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État, Citoyenneté et Nation en Afrique

Le Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY avait coutume de dire que les pays africains, à l’indépendance, ont hérité d’un État. Et il leur revenait de construire une nation à partir d’une « poussière d’ethnies ». En réalité, il a été transmis à ces pays des symboles de l’État. L’État est plutôt resté à Paris, avec les archives, au ministère des colonies, rue OUDINOT, dans le 7ème Arrondissement ! Il revient donc aux Africains aujourd’hui de former des architectes institutionnels (juristes, politologues) et des ingénieurs sociaux (administrateurs territoriaux, des lois sociales, managers publics) pour promouvoir véritablement un développement durable et une autonomie collective effective.

Cette mutation est plus que nécessaire pour parvenir dans chaque pays à l’édification d’une citoyenneté vivante pour l’équilibre de la République et la vitalité de la démocratie, en vue de la paix et du bien-être général. La citoyenneté ivoirienne, disposant d’une valeur juridique et politique, est notre nouvelle fraternité, au-delà de nos différentes appartenances communautaires traditionnelles de base, socioculturelles. Elle se situe donc raisonnablement au-dessus des origines, qui ne sont cependant pas sans importance. C’est une question, d’ordre plus ou moins psychologique, très sensible et délicate, à traiter avec subtilité et discernement, pour éviter les passions et les tensions destructrices. Toute nation, dans son édification et son évolution, reste inévitablement confrontée à des épreuves dont le mode de gestion détermine la suite du contrat social, du vivre ensemble entrepris. L’histoire porte témoignage à cet égard et devrait pouvoir instruire les dirigeants des États, pour anticiper ou s’adapter utilement.

L’État que nous appelons de tous nos vœux en Afrique devra être un État institutionnalisé, et non patrimonialisé, respectueux de la légalité constitutionnelle et de l’éthique républicaine, protecteur de la dignité humaine et promoteur du bien-être des citoyens. Il sera adossé à une administration professionnelle, y compris la justice, neutre et engagée dans l’exécution d’un service public qui soit l’expression juridique vivante de la solidarité nationale, bénéfique à tous, particulièrement aux couches les plus vulnérables de la population. Ainsi pourront être assurés avec diligence les services sociaux de la santé et de l’éducation notamment. L’État en définitive devra créer les conditions de la confiance avec les citoyens-contribuables, pour accroître la légitimité nécessaire à la mobilisation nationale pour la réalisation de projets contribuant à l’édification de l’unité nationale et la cohésion sociale, ainsi qu’au rapprochement entre les peuples, prioritairement de la sous-région ouest-africaine, en vue de la promotion d’une autonomie collective salvatrice. Les modalités de construction d’un tel État exigent véritablement une discipline avérée des gouvernants, une conscience aiguisée du peuple et une vision prospective portée par une volonté politique forte et affirmée pour la démocratie, la modernité institutionnelle, le progrès socio-économique et culturel.

À l’instar des pays scandinaves (Danemark, Finlande, Norvège et Suède), l’État idéal vise à mettre en place et à faire fonctionner raisonnablement une société où toute personne a le droit de rêver et le pouvoir de se réaliser, en fonction de ses mérites.

26 février 2025

Pierre AYOUN N’DAH

Docteur en Droit public

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