J’ai fait la rencontre d’une fille qui a des rides sur le front.
Jeune, je venais de connaître un peu le goût de la vie et je cherchais des fréquentations féminines. Flambant neuf et naïf, je faisais tout pour attirer l’attention et de beaux regards et c’est comme ça que je vais me lancer dans des activités sportives et culturelles. J’ai été grand gardien de handball et grand acteur de théâtre, sans compter la politique que j’apprenais par cœur.
Tout est réuni pour que je sois un jeune leader ce à quoi, je rêvais. Tout a commencé à surgir en moi, comme le regard des jeunes filles. Je ne faisais pas d’efforts car à chaque prestation, elles venaient me congratuler et je me sentais fier, utile et honoré. Mais je n’arrivais pas à faire le premier pas, sans m’appuyer sur l’avis d’un tiers. Quelqu’un qui pouvait actionner des espaces d’expression et surtout les occasions qui s’offraient à moi. Je n’étais pas capable de draguer. Pas que je n’avais pas les arguments pour m’avancer, mais comment franchir le rubicon? Le début m’était quasi impossible. L’approche m’était très difficile à embourber. Chemin faisant, je vais fédérer mes angoisses, hésitations et frénésies à ma grands sœur, cette femme au grand coeur et qui a l’expérience dans le domaine sentimental, puisqu’elle donnait l’impression d’avoir vécu et connu des vertes et des pas mûres. J’étais en troisième et mes poils ont commencé à pousser, surtout sur mon visage. Mais je n’étais pas capable d’envoyer des jeunes filles à la maison alors que, compte tenu de ma promotion, on venait de libérer une chambre à moi tout seul, mais j’y dormais seul avec mes appareils électroménagers.
Ainsi, je faisais avec cette timidité. Je ne l’étais pas en réalité, puisque quand je suis dans mon élément, je fais feu de tout bois, mais quand il s’agit d’aborder les filles, difficile de franchir le premier pas. Ma grande sœur a suivi cette faiblesse et m’approche pour se renseigner et je lui mentis.
Un soir, après une journée sportive bien endimanchée où j’ai fait entendre ma voix en commentant le jeu, une jeune fille, qui me regardait, m’approche. Salut beau gosse,, tu parles très bien, me dit-elle et je lui souris, mon coeur a commencé à battre à la chamade. Elle persiste à aller chez moi et pour une fois, je vais faire croire à mes parents que c’est le fruit de ma drague, ce qui n’est pas le cas. En cours de route, c’est encore elle qui parle et je l’écoute. Elle sentait le parfum d’une grande avec ses pas mesurés comme une fée. Elle faisait plus âgée, mais dans le fond, ce n’est pas vrai, nous sommes de la même génération.
Nous arrivons à la maison et je vois ma grande sœur pour une fois heureuse de voir son petit frère venir à la maison avec une fille. Elle va se mettre à sa disposition, jusqu’à ce qu’elle demande à rentrer chez elle. Je change de vêtement et je vais l’accompagner. En cours de route, elle me fait savoir que mes parents sont gentils, avec des qualificatifs qui m’apaisent. À l’approche de sa maison, on marque un arrêt et elle me prend dans ses doux bras et me pose un joli baiser sur les lèvres et cela m’ouvre la vue comme un aveugle qui recouvre pour la première fois la vue. Elle me tient par la main et se retire. Sur le chemin du retour, j’ai commencé à sauter de joie tout seul et comme il fait nuit, personne pour me voir et j’arrive à la maison, ma grande sœur m’attend. Comment ça s’est passé avec la jeune fille, me pose-t-elle la question. Je lui réponds que tout s’est bien passé et que nous avons décidé de nous revoir. Le matin du lendemain, vers 10h, on la voit qui vient chez nous dans une belle robe, avec à la main, un sachet. Elle salut tout le monde et tend le sachet à ma maman qui est surprise pour la première fois, de recevoir un sachet d’une fille à cause de son fils qui fait parler de lui dans le grand village, mais incapable d’ouvrir sa bouche pour dire à une fille qu’il l’aime. Maman me connaît. Dans le sachet, il y avait des poissons et du savon.
Elle entre dans ma chambre. La musique des temps modernes qu’elle semblait adorer fusait de mon appareil électroménager. Je la rejoins et nous passons un moment idyllique. Les jours passent et notre relation se bonifie. Dans le village, la nouvelle a commencé à se reprendre comme quoi, entre elle et moi, quelque chose venait de naître et elle me rendait fier. Un après-midi, ma grande sœur et ses copines sous l’ombre du manguier que j’avais planté, se tressaient. Elle arrive et les salue. Ma sœur lui demande de s’asseoir un peu, le temps que j’arrive car elle venait de m’envoyer faire des courses. C’est là que ma souffrance va débuter.
Après l’avoir longuement observée, ma sœur remarque des rides sur son front, ce n’est pas trop visibles, mais avec son expérience, elle l’a constatée. Le samedi qui a suivi ce constat, ma chérie s’est absentée. Ma sœur me fait asseoir et me dit ceci: « mon petit frère, je sais que tu es tombé amoureux pour une fois, j’en suis fière, mais cette fille, si tu continues avec elle, elle te fera vivre l’enfer » Eh Dieu, d’où elle sort ça encore? Elle poursuit en me faisant constater qu’une fille qui a des rides sur le front, tout un garçon, sont des gens méchants et souvent sans cœur, me voici devant un cas que je n’avais jamais envisagé. Comment ma grande sœur peut, à partir de simples rides sur le front, déterminer la personnalité et le caractère de quelqu’un? J’ai une peur bleue pour elle car, elle est ma grande-sœur.
Nous finissons nos vacances et chacun reprend le chemin de la ville qu’ il fréquente. Depuis que ma sœur m’a sorti ce constat, je n’en dors pas et à chaque fois que je rencontre des gens, c’est sur leur front que je fixe mon regard. En effet, ils sont rares, femme comme garçon, mais ils existent.
Plus tard, ma grande sœur avait raison, elle devenait dure, c’est son point de vue qui prévalait et ma liberté d’expression s’amenuise. Le fait de savoir qu’elle arrive, j’avais des craintes. Elle était autoritaire.
En public, elle se joue les fortes, mais en intimité, je ne la reconnaissais plus, tellement qu’elle est douce, mais son caractère est invivable et vers la fin, je la remercie de m’avoir ouvert les yeux car maintenant, je savais draguer. Est-ce vrai que des gens qui ont des rides sur leur front sont invivables?
Joël ETTIEN
Directeur de publication : businessactuality.com