La présidentielle 2025 à l’épreuve du discours politique de m
Le cardinal Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI, écrivait en 2005 que le christianisme doit toujours se souvenir qu’il est la religion du logos. Logos désigne le rapport entre l’homme et Dieu via un discours rationnel et cohérent. Nous appuyant sur cet écrit, il ne serait pas incongru de dire que la politique est intimement liée au logos ou du moins qu’elle fait du logos sa religion.
De politique, à propos de la vie politique africaine et singulièrement ivoirienne, il ne serait pas surérogatoire de la résumer en un triptyque qui définit notre microcosme politique : logos, praxis et violence.
Par le mot logos, c’est une définition donnée de l’homme qui fait de lui un être rationnel et un animal politique vivant au sein d’une polis, c’est-à-dire la cité-Etat. Tel que dit, rappelons-le, c’est l’explicitation de l’essence de l’homme, celle qui consiste à exposer, à s’exprimer, à énoncer, à disposer, à mettre à disposition de la pensée, c’est-à-dire encore communiquer. Ces déterminations qui définissent l’homme n’en sont donc pas des traits caractéristiques accidentels qui le décriraient, mais bien l’essentiel en l’homme à penser. De telles propriétés donnent accès à l’essentiel en l’homme, c’est-à-dire son humanité.
Le logos, compris d’ailleurs comme discours dans la philosophie platonicienne, est considéré comme la raison du monde, comme contenant en soi les idées éternelles. C’est aussi un concept à la fois rationnel et oratoire. Pour preuve, dans l’art rhétorique, le logos relève de la démonstration, de la raison et de l’argumentation. La praxis, quant à elle, est comprise comme pratique sociale pour comprendre la société et la transformer. La praxis a une finalité interne à l’action, non séparable de l’action. Au sens d’action sous-tendue par une idée vers un résultat pratique, elle désigne l’ensemble des activités humaines susceptibles de transformer les rapports sociaux et/ou de modifier le milieu naturel. Si l’essentiel en l’homme, c’est son existence, alors se justifient des postures et des modalités d’être qui traversent l’homme ; d’où le recours à la violence pour assumer son existence. En l’espèce, les politiciens sont des gens avisés, dont les appétits voraces aiguisent singulièrement la perspicacité, et chez lesquels la chasse aux bonnes places développe des ruses d’apaches. Et cela, sous l’égide de la violence.
La violence comme phénomène social légitimée au nom d’un objectif politique par l’utilisation de la force pour contraindre, dominer, détruire ou endommager et même tuer. La violence dont il est ici question est verbale dans la mesure où le mot est action.
De cette compréhension trilogique, il est à comprendre que la vie politique ivoirienne des trois dernières décennies est encadrée par ce triangle.
De politique, certains font de cette vie politique une essence spécifique et même permanente, c’est-à-dire un travail, un emploi. Or, parler d’essence, c’est parler de substance et ce qui tient l’existence de l’homme. C’est dire que tout travail mérite salaire ou rétribution. On pourrait parler, dans l’imagerie populaire, de carburant, de ce qui fait avancer le quotidien. Qui dit carburant, c’est-à-dire ce qui fait avancer parle d’énergie ; énergie comme force. Ainsi, ce qui fait avancer prend le vocable de production ; donc économie. Qui dit économie, parle de richesse et patrimoine. Qui dit richesse et patrimoine, dit gestion. Or, toutes ces déclinaisons sont adossées à la praxis, puis à la violence. La violence est la richesse dont l’homme a le monopole. La quête du pouvoir entraîne la violence. Le discours entraîne la violence. La quête de la richesse en termes de patrimoine entraîne la violence. Ainsi dit, tout système politique est en fait un mode de gestion de la violence. Quand il n’en crée pas, il la gère. Ainsi dit, quel est le facteur le plus important de la dynamique politique ? Est-ce le logos entendu comme discours ou la praxis, ensemble des activités déployées ? Entre le discours et l’action, il y a le mode de gestion de la Cité comme entité politique. C’est bien ici qu’il y a adossement à la violence à l’effet d’exister. Entre le logos et la praxis, lequel des deux éperonne la violence ?
Depuis longtemps, j’ai été frappé de voir que le déroulement de notre vie politique comporte un important cortège de violences. Quelques acteurs cherchent à dissimuler ce phénomène que remarque toute personne qui consent à regarder ce qui se passe autour d’elle. La pratique politique a un fonctionnement semblable au syndicalisme révolutionnaire. L’opposition s’oppose à tout du pouvoir avec énergie dans un esprit républicain dit-elle. Le pouvoir, quant à lui, rassure suivant une orthodoxie républicaine également. Chose qui entretient les masses et ne prospère que là où les esprits sont favorables. Le champ politique tend à apparaître, de plus en plus, comme une théorie du syndicalisme révolutionnaire ou encore, comme sous l’influence de ce syndicalisme. Il résulte de ces données incontestables que, pour raisonner sérieusement dans le champ politique, il faut avant tout se préoccuper de chercher quel est le rôle qui appartient à la violence dans les rapports sociaux actuels.
Bientôt s’ouvrira la période électorale. Si ce n’est déjà le cas au regard de ce qui nous est proposé d’observer. Les récits d’aventure des différents candidats déclarés, des personnages politiques historiques à l’élection du Président de la république constituent des objets matériels particulièrement nourris. Nourris parce que les narrations présentent plus d’atouts argumentés et argumentatifs susceptibles de provoquer un assentiment, d’accroître les preuves que tel ou tel candidat est le meilleur ou de récuser tel ou tel candidat ou formation politique. Ça y est, on est donc à un rendez-vous de grande pénétration avec des préliminaires qui font monter l’excitation, psychologiquement et physiquement bien ou mal préparés où chacun des états-majors de candidats, pour émoustiller l’électorat, doit démontrer sa valeur, doit faire preuve de certaines compétences qui, en fait, sont des talents. Tous se disputeront publiquement à la lumière du talent et à la lisière du triptyque logos-praxis-violence. Le tout est de parvenir à encadrer le discours puisqu’il est repris en boucle par plusieurs espaces de discussions virtuelles. Mal encadré, un tel discours nous plongera dans une insécurité des plus déplorables.
Je me propose de livrer dans les tous prochains jours à lecture, une analyse approfondie du discours politique sous les angles ci-après : historique et éthique, politique et idéologique, anecdotique, humoristique et ironique, esthétique, herméneutique dont ces quelques lignes ne constituent que les prolégomènes, l’avant-propos, la déclaration liminaire du projet d’essai sur l’évolution du discours politique en Côte d’Ivoire.
Théodore KONIMI
Enseignant-chercheur de stylistique, de rhétorique et analyse du discours
Université Félix Houphouët-Boigny