Livre – Zouglou, rythmes et résistance : L’essai qui éclaire l’histoire d’une musique contestataire
Axel Illary, journaliste culturel de renom et fervent défenseur de la renaissance culturelle africaine, explore dans son ouvrage, Zouglou, Rythmes et Résistance – un essai inspiré de son film documentaire Zouglou Feeling – l’histoire et l’impact de la musique zouglou, symbole de résistance culturelle et sociale en Côte d’Ivoire. À travers une narration saisissante, l’auteur met en lumière les origines de ce genre musical, né dans les années 1990, son rôle en tant que voix des opprimés et son ascension, des quartiers populaires d’Abidjan jusqu’à la scène internationale
Le zouglou trouve ses racines dans l’alloukou, une musique traditionnelle de réjouissance de la région bété, qui a été réinterprétée par des jeunes urbains pour devenir le woyo ou l’ambiance facile, une fusion de différents rythmes du pays. Ce phénomène a émergé dans les établissements scolaires, où des jeunes talents, comme ceux du Lycée classique d’Abidjan, ont explosé. À travers des groupes pionniers tels que Zougloumania, System Gazeur, Les Parents du Campus, Esprit de Yop et des figures emblématiques comme Didier Bilé, le zouglou est rapidement devenu la voix des opprimés, offrant une critique sociale et politique percutante dans un contexte de bouleversements en Côte d’Ivoire.
Axel Illary met en exergue le rôle central du zouglou dans les luttes socio-politiques des années 1990. Les artistes ont su transformer leurs frustrations et aspirations en paroles engageantes, abordant des thèmes comme les inégalités, la politique et l’immigration. Des chansons telles que Politique meurtrière des Salopards ou Foutaise des Poussins Chocs témoignent de la capacité du zouglou à combiner satire, humour et critique sociale. L’ouvrage établit aussi des parallèles avec d’autres musiques contestataires comme le reggae jamaïcain ou le rap américain.
Le zouglou n’est pas seulement un outil de protestation; il incarne également une force unificatrice et culturelle. L’auteur montre comment ce genre, qui intègre diverses langues et dialectes, reflète la diversité ivoirienne et promeut l’unité nationale. Des chansons cultes, telles que Même si elle est comme ça de Petit Denis ou Religion de Fitini, abordent des sujets universels comme l’amour, la spiritualité et l’héritage colonial, contribuant à élargir son audience. Ce mélange d’universalité et de localité explique pourquoi le zouglou a su toucher un public au-delà des frontières ivoiriennes.
Dans un univers dominé par les hommes, les femmes ont su s’affirmer pour trouver leur place, comme en témoigne la création des Zouglounettes, le premier groupe féminin du genre. Axel Illary explore les obstacles qu’elles ont affrontés, notamment les défis financiers et sociaux, tout en soulignant leurs contributions souvent méconnues. L’ouvrage met en avant la nécessité de promouvoir une meilleure inclusion des femmes dans l’industrie musicale, où l’égalité reste un objectif à atteindre.
Grâce à des artistes comme Magic System, dont le titre Premier Gaou a rencontré un succès mondial, le zouglou s’ est exporté. L’auteur analyse les efforts des artistes ivoiriens pour promouvoir cette musique à l’international et souligne les défis, tels que la compréhension limitée des messages sociaux dans certains contextes étrangers. Des témoignages insistent cependant sur le potentiel du zouglou à séduire une audience internationale plus large, en combinant spectacle et authenticité culturelle.
Le documentaire Zouglou Feeling, qui a inspiré cet essai, démontre la puissance de cette musique comme moteur de cohésion sociale. Axel Illary expose la contribution du zouglou dans la création d’une identité collective ivoirienne, dépassant les divisions ethniques et sociales. À travers son évolution et son influence sur d’autres genres comme le couper-décaler, le zouglou reste un symbole de résilience et d’innovation culturelle.
À travers son ouvrage Zouglou, Rythmes et Résistance, Axel Illary saisit l’essence d’un genre musical devenu un puissant vecteur de résistance sociale et culturelle. En retraçant l’histoire et l’impact du zouglou, l’auteur nous invite à réfléchir sur le rôle essentiel de la musique comme outil de cohésion, d’expression et de contestation.