lundi, avril 21, 2025
CÔTE D'IVOIRE

NATION IVOIRIENNE : ENTRE ÉPREUVES ET ESPÉRANCE

La présente réflexion a un but plus pédagogique que politique, visant à contribuer à une recherche objective et réaliste de solutions appropriées à la situation sociopolitique ivoirienne. Sans animosité ni complaisance, il apparaît opportun d’entrer dans une interrogation d’approche raison-vérité pour un débat ouvert et serein. La Côte d’Ivoire est visiblement une nation en mal avec son unité écorchée, depuis trois décennies. Elle a perdu ses repères après le père disparu qui en assurait l’unité par sa seule équation personnelle.

Qu’est-ce la Côte d’Ivoire telle que voulue, conçue et façonnée par le Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY ? « Une terre d’espérance », « le pays de l’hospitalité », « la patrie de la vraie fraternité ». De la sorte , le pays a été largement ouvert sur l’extérieur, surtout aux ressortissants africains, notamment de l’Afrique de l’ouest, dès l’accession à l’indépendance. Ceux-ci ont  objectivement apporté une contribution notable au développement national, en complément des efforts des Ivoiriens d’origine. Il y a tout de même lieu d’admettre les phénomènes aussi vieux que le monde comme l’authoctonie, l’allochtonie et l’allogénie. Dans toutes les sociétés, on retrouve raisonnablement ces trois composantes sur les caractéristiques sociologiques des populations. Le Président HOUPHOUËT-BOIGNY lui-même, parlant publiquement d’un de ses ministres, avait déclaré : << Il est d’origine étrangère, mais citoyen ivoirien >>.

Au niveau d’un État, phénomène juridique et politique, l’important c’est la nationalité. C’est elle qui fonde la citoyenneté, laquelle ouvre la série des droits et des devoirs. Par conséquent, juridiquement, la nationalité se trouve au-dessus de l’origine.Toutefois, l’art de gouverner, une alchimie, consiste à assurer un équilibre national global à partir d’une diversité qui doit tendre vers l’unité, dans le cadre d’une union des esprits et des cœurs, des sentiments et des intérêts, individuels et collectifs. La solidarité nationale est la fille de la fraternité construite voire imposée par la  citoyenneté.

Aujourd’hui, la réalité est là ! La cohabitation, après la rébellion et surtout la crise sociopolitique et militaire qui a fait au moins 3000 morts, la confiance intercommunautaire est plus qu’entamée. La nation est à la recherche de son unité perdue, par des incompréhensions absurdes dans un pays pourtant à la culture du dialogue et de la paix.

Au passage, les questions relatives aux origines s’estompent d’elles -mêmes avec le temps et l’évolution des sociétés, les mouvements migratoires, les brassages socioculturels et les modifications démographiques. 
De grâce, que l’on ne vienne pas nous reparler  « d’ivoirité » outil de tentative de catégorisation des Ivoiriens. L’histoire, lente mais sûre, finit toujours par rétablir la vérité dans la révélation des hommes et la réalité des faits. Dans tous les cas, chacun des acteurs au « fond de lui-même se rend plus de justice » (Phèdre- Jean Racine). Lorsque la bonne foi, l’honnêteté intellectuelle et la sincérité des intentions soutiennent les jugements, les décisions et les actes, la société reste en équilibre ou, mieux, s’élève.

Aussi, en l’état actuel de la nation et du ressenti du peuple, le Président de la République, clef de voûte des institutions et en charge du destin national, pourrait solliciter l’ASCAD ( Académie des Sciences, des Arts, des cultures d’Afrique et des Diasporas Africaines), aux fins de réflexion et d’analyse. Cette Société savante, hautement représentative de l’intelligentsia nationale et de la sagesse africaine serait à même de proposer des pistes de solutions constructives et consensuelles.

Une nation qui veut exister, s’épanouir et avoir la maîtrise de son destin, cultive en son sein l’esprit de vigilance et d’anticipation, l’amour de la fraternité et de la solidarité, l’expression de la loyauté mutuelle et envers les institutions communes, pour la sécurité collective. La gestion d’une nation repose sur un engagement sacramentel (le serment) pour la mystique d’une mission élevée à un niveau sacrificiel, si les circonstances l’exigent ! Pour la Côte d’Ivoire , la problématique de la question nationale ne doit pas devenir un nœud gordien. Elle reste tout de même une question préjudicielle, sinon préalable, cruciale pour le présent et l’avenir du pays


                                  3 janvier 2024
                       Pierre AYOUN N’DAH
                       Docteur en Droit public
                   Ancien professeur à l’ENA d’Abidjan, Expert en Management des Organisations   publiques 

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