1er-Mai: les syndicats africains fêtent aussi le Travail
A l’occasion du 1er-Mai, RFI revient sur l’histoire du syndicalisme en Afrique francophone. Un parcours qui au début du XXe siècle se confond avec l’histoire syndicale belge et française.
Mais si ce lundi, la fête du Travail est célébrée un peu partout, chaque pays n’a pas les mêmes traditions syndicales et les mêmes préoccupations.
Si la première grève jamais enregistrée en Afrique subsaharienne se déroule à Dakar et date de 1919, il faudra attendre 1923 pour que le premier syndicat apparaisse : la Fédération des syndicats maritimes, affiliée à la CGT. La grande centrale française joue un rôle clé dans l’émergence des syndicats dans l’Afrique occidentale française (AOF). Tandis qu’au Congo belge, la CSC chrétienne et la FGTB socialiste sponsorisent des confédérations locales.
En 1937, un décret de Léon Blum favorise l’établissement de syndicats dans les colonies et l’on assiste à un véritable boum. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, les colonies françaises comptaient 175 syndicats majoritairement affiliés à la CGT.
Après la guerre, les centrales africaines accompagnent la lutte contre la colonisation. C’est d’ailleurs la principale caractéristique des syndicats africains que d’être ainsi engagé à la fois dans les luttes sociales et politiques. Les premiers partis africains, comme le RDA, le Rassemblement démocratique africain, sortiront de cette matrice syndicale.
Les indépendances marqueront une certaine mise sous tutelle des syndicats nationaux, à mesure que les partis uniques se développent. A l’opposé, la vague de libéralisation des années 1990 a considérablement renforcé le pluralisme syndical. Au point qu’aujourd’hui le morcellement est l’une des principales faiblesses des centrales africaines.
- Gambie, un vent de liberté pour les syndicats
Ce 1er-Mai est particulier en Gambie. C’est la première fête du Travail sous le nouveau régime. Jusque-là sans réel pouvoir de négociation, les syndicats espèrent bien marquer le début d’une nouvelle ère pour les droits des travailleurs dans le pays. L’heure était donc à l’enthousiasme chez les syndicalistes au moment des préparatifs.
Il faut marquer le coup pour ce jour du travail pas comme les autres, selon Amadou Bah, du syndicat des transports et de l’agriculture. « C’est bien sûr une fête du Travail différente. On s’attend à ce que la collaboration avec le nouveau gouvernement soit plus fructueuse », explique-t-il.
Il faut dire qu’avant, entre menaces et détentions arbitraires, la liberté d’expression était plus limitée. Essa Sowe s’occupe du syndicat des professeurs : « On devait faire beaucoup de compromis à l’époque, il fallait que nos déclarations soient flatteuses et on devait faire très attention à ce qu’on disait. Cela finissait par être des déclarations politiques, juste pour faire plaisir aux interlocuteurs et obtenir ce qu’on voulait », se souvient-il.
Aujourd’hui, Malick Secka, syndicaliste pour les dockers, espère bien se faire entendre. « Sous l’ancien régime, quand on se plaignait, ils n’écoutaient jamais ce qu’on avait à dire. A cause de la dictature, on nous répondait que les décisions venaient du haut. Peut-être que ce nouveau régime va écouter les plaintes des travailleurs », espère-t-il.
Amadou, du syndicat des transports, souhaite aussi ne plus se faire court-circuiter par des systèmes de corruption. « Les travailleurs utilisaient de l’argent pour gagner l’attention des agents et peser sur l’administration, affirme-t-il. Donc le syndicat n’avait pas beaucoup de poids. Cela va très certainement changer. »
Les syndicalistes procèderont à une marche ce lundi matin, puis remettront un document à la ministre du Commerce et de l’Industrie, pour appuyer leurs nouvelles revendications.
- Des syndicats au centre de l’histoire burkinabè
Les syndicalistes burkinabè en sont fiers : à chaque tournant décisif de l’histoire, ils étaient là. En 1966, ils sont à l’origine du premier soulèvement populaire en Afrique qui a conduit à la chute d’un régime. Maurice Yaméogo avait démissionné. Ils se souviennent aussi de la grève générale historique de 1975 pour empêcher la mise en place d’un parti unique. En 2015, encore, ce sont eux qui ont contribué, en paralysant le pays, à mettre en échec la tentative de coup d’Etat.
Ils sont puissants et très bien organisés, explique Abdoul Karim Sango, analyste politique. « Le maillage est si important qu’il traverse tous les secteurs du monde public en particulier. Leur rôle me paraît d’autant plus intéressant que ce qui importe pour les syndicats burkinabè, ce n’est pas toujours des revendications corporatistes. Ils joignent à leur lutte le combat pour le renforcement de la démocratie et pour le respect des droits de l’homme, analyse-t-il. De ce point de vue, on est obligé de compter avec eux. »
Grande figure du syndicalisme burkinabè, Bassolma Bazié estime que les syndicats ont avant tout un rôle de contre-pouvoir. « Les organisations syndicales doivent savoir se tenir à égale distance de toutes les forces politiques, d’autant qu’elles n’ont pas pour rôle de conquérir et de gérer le pouvoir d’Etat. Leur rôle c’est de veiller à la mise en œuvre des décisions politiques et de dénoncer et aller au front et faire en sorte que ces décisions politiques n’aient pas d’impact négatif sur la vie des populations », estime-t-il.
Pour Bassolma Bazié, le 1er-Mai est bien plus qu’une simple fête, c’est surtout un moment de mobilisation et de combat. Ce lundi, à Ouagadougou, une marche sera suivie d’un meeting à la Bourse du travail.
rfi Afrique