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Côte d’Ivoire : A dix-huit mois de l’élection présidentielle, entre les jeux de positionnement et les enjeux globaux, où se situe l’intérêt du peuple ?

La Côte d’Ivoire, malgré les soubresauts qu’elle a connus et les stigmates qui restent encore très présents parmi la population, est un pays qui compte énormément dans la sous-région ouest africaine. La question que l’on se pose au regard de la praxis politique des acteurs en présence, est de savoir si le statut qu’a ce pays est bien pris en compte dans ses différentes dimensions.

Il faut d’entrée de jeu dire ici que la Côte d’Ivoire n’est pas une propriété privée de quelques acteurs politiques fussent-ils des leaders de premier plan. Ce pays appartient tout aussi aux responsables politiques, aux élites  et aux Ivoiriens anonymes qu’aux enfants qui viennent de naître. Il faut également noter que la Côte d’Ivoire n’est ni une propriété de clans, ni un otage des ethnies ; Ainsi, les Baoulé n’ont pas le monopole du pouvoir, pas plus que les Dioulas et les Bété … Il faut lutter pour qu’il y ait des institutions fortes qui permettent des élections transparentes et apaisées. Il faut aussi que les uns et les autres intègrent le fait que les hommes passent ; mais un pays reste toujours. Il est donc temps de mettre un terme à cette façon ancienne de faire de la politique qui désespère les plus jeunes.

En 2010, le PDCI aurait pu jouer le bon arbitre en appuyant l’option du recomptage des voix. Cela aurait sans doute amené les prédateurs qui voulaient la guerre à tout prix à reconsidérer leurs positions. Certains ont plutôt privilégié la sauvegarde de leurs intérêts et nous en sommes là aujourd’hui.

Nous savons que l’émotion est humaine ; elle conserve donc l’effet de toutes les iniquités et injustices qui ont affecté le pays. Alors quand la « tontine » qui était en perspectives dans le RHDP, entre le RDR et le PDCI connaît des difficultés, ce dernier ne peut pas, dans ses différentes approches complètement oublié qu’il a co-géré le pouvoir d’Etat de 2011 à 2018.

Nous savons aussi que le PDCI n’a pas une culture de la lutte. Et ayant toujours estimé que le pouvoir lui revient de droit – on ne sait au nom de quel principe, ce parti septuagénaire est surtout porté sans sourciller sur des raccourcis pour accéder au pouvoir.

Mais l’autre donnée et non des moindres est que nous sommes à dix-huit mois des présidentielles et l’opposition reste émiettée sur des questions de préséance. Il y a donc lieu de s’inquiéter que ceux qui ont leurs intérêts dans ce pays peuvent continuer de porter Ouattara, à défaut d’avoir une opposition responsable.

Par ailleurs, Bédié a lancé l’idée d’une plateforme sans penser en amont un réel contenu. Il suffisait sans doute selon lui qu’il se détachât de Ouattara pour que les Ivoiriens le porte au pouvoir sans coup férir ; l’EDS de son côté est dans son cycle de déclarations qui prophétisent son arrivée au pouvoir en 2020 quand Ouattara est en train de rééditer les dispositions pour s’accrocher au pouvoir. De tout cela, que doivent retenir les Ivoiriens ?

En fait, plus qu’une alternance, c’est une alternative qu’il faut en Côte d’Ivoire. Cet objectif étant clairement identifié, il faut que chacun y mette de l’humilité pour sauver les Ivoiriens de cette descente aux enfers en cours de préparation pour 2020.

Laurent Gbagbo a payé huit ans de sa vie pour des crimes qu’il n’a pas commis ; la décision de l’acquittement faisant foi. Pendant sa détention, il a perdu plusieurs de ses proches dont sa génitrice et celui qu’on appelait son frère jumeau. En tant que grand frère, pour établir un climat de confiance mais aussi pour marquer le respect et montrer un minimum de décence, la tradition aurait voulu que le président Bédié se déplaçât pour aller voir son « petit frère », le président Laurent Gbagbo. Qu’est-ce qui est aussi compliqué pour qu’un acteur politique de la trempe de Bédié, qui montre souvent qu’il est ancré dans la tradition tourne en rond ?

Au total, pour que le processus de réconciliation connaisse une impulsion réelle, il faut que les acteurs politiques soient humbles. Henri Konan Bédié doit afficher une position claire vis-à-vis d’Affi N’guessan s’il veut montrer du respect à l’endroit de Laurent Gbagbo car de même, ce dernier ne ferait rien pour que le PDCI de Henri Konan Bédié s’érode dans la division. Établir un climat de confiance attiserait l’élan d’une collaboration franche qui pourrait tourner résolument les Ivoiriens vers l’avenir.

Rien n’est en fait compliqué si d’une part, l’on regarde les enjeux et l’évolution des choses dans le monde et de l’autre, si l’on accepte de se remettre en question. Le peuple vous regarde.

                                                                          Jean-Christophe Soumahoro

                                                                          Analyste politique

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