Côte d’Ivoire: Pourquoi Ouattara ne peut pas être Candidat en 2020 !
On s’interroge sur une éventuelle candidature du Président ivoirien M. Ouattara à un 3ème Mandat.
Une situation qui laisse écarteler les esprits entre le caractère de l’homme et sa parole. Ainsi, d’aucuns, surtout ceux qui jugent qu’il avait forcé le pouvoir en 2010 par les armes et la réélection en 2015 par un coup d’état constitutionnel, n’ont aucun doute que Ouattara va donc faire pareil. D’autres s’en remettent à ses propos de 2016, avant l’avènement de la nouvelle Constitution, qu’il n’aura pas à forcer la note.
De là, lorsqu’à la nouvelle allure où vont les choses, le débat sur sa succession à 3 ans de 2020, est jugé « malsain », voire « inopportun », le suspense s’installe. Car l’habitude politique nous le reconnaissons: dès qu’un mandat commence, le politicien ambitieux ne vise que sa fin.
Le discours à la Nation à l’occasion du 07Août n’a pas, contre toute attente, atténué les polémiques, quand M. Ouattara ordonne que « tous peuvent être candidats s’ils le veulent », en ajoutant substantiellement « sous la base de la Constitution ». Ce qui pousse à y voir deux langues quant à l’inclusivité du « tous », mais autrement, à l’exclusivité de la « loi fondamentale » qui bien évidemment comporte des conditions d’éligibilité !
Alors, cette Loi qui devra se lire et s’interpréter par le Juge Constitutionnel est la référence juridique à notre débat ! Mais fait-elle suffisance à la conclusion d’un Juge ? Non, car outre la loi, les principes généraux de droit, la jurisprudence, et autres nous servent de source à nous défendre !
En 2015, l’arrêt du Conseil Constitutionnel validant la candidature de M. Ouattara a écarté la loi et s’est référé au décret d’exemption exceptionnelle de GBAGBO aussi approuvée par un arrêt du Conseil Constitutionnel de 2010 et qui fait état de jurisprudence ! Juridiquement, je n’ai pas dit contre la Candidature de Ouattara en 2015 !
Mais voyons ! En 2020, le Conseil Constitutionnel a-t-il encore l’intelligence juridique de valider la Candidature présidentielle de M. Ouattara si elle se porte devant lui ?
Non ! Et là est le débat. Car malheureusement la loi constitutionnelle qu’il essayera de dévier ne lui permet pas de recourir à un principe de droit comme en 2015. Quant au PDCI RDA par la voix de son président, M. Henri Konan Bédié, persiste, signe et prévient, que l’élection de 2020, n’est pas négociable, ce que nous en tirons, c’est un avertissement à M. Ouattara qui n’a plus le droit de créer des circonstances majeures à l’approche de cette période.
Sinon, même les juristes le pensent possible à présent, et nous mêmes aussi croyons à cela, peut-être que le régime le pense, mais on se rétracte aujourd’hui, quand nous portons un regard soigneux sur la Constitution. On pense que comme la nouvelle constitution a ouvert une autre République, M. Ouattara peut être candidat, parce qu’on repart à zéro. Une manière de voir, même si le non juriste peut s’y contenter, qui n’est pas vague. Car elle revêt juridiquement le principe de NON-RÉTROACTIVITÉ DES LOIS.
Alors, si le Conseil Constitutionnel doit oser sauver M. Ouattara, c’est ce principe là qu’il va tenter de défendre, tirant, on le répète, l’exemple de la Jurisprudence de 2015, qui a prévalu sur la Constitution !
Mais donc le débat va s’accentuer sur la non rétroactivité des lois !
Nous anticipons notre opinion que ce principe ne passera pas en 2020 ! Et pourquoi ?
Il est vrai ! Un des principes les plus importants d’un État de droit, c’est la sécurité juridique. Elle implique que l’individu qui a bénéficié d’une loi ancienne soit négativement soit positivement ne s’en dispose plus quand survient une nouvelle loi. Cette loi aliène l’ancienne, et on l’a dit non rétroactive ! Tous les faits qui lui sont antérieurs ne font plus l’objet de considération !
Et ce principe juridique est soutenu en matière civile et pénale. Quand bien même là aussi, il y a des limites.
Ce qui nous intéresse, c’est la matière constitutionnelle du principe !
Pour le dire clair ici, on n’exagère pas, en droit constitutionnel, la portée du principe de non-rétroactivité des lois nouvelles. En effet, ce principe ne s’impose en réalité qu’au Juge de la Constitution. Il ne s’agit que d’un principe d’interprétation. Parce qu’en l’absence de dispositions transitoires, le juge doit appliquer la loi nouvelle sans rétroactivité.
Or, la nouvelle Constitution a des dispositions transitoires sur l’ancienne. Ainsi dispose l’article 183 : « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire (allusion à la Constitution de 2000 en vigueur au moment de l’adoption de celle de 2016, ndlr) reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ». En ligne noire au chapitre de la Continuité législative, au dernier titre du Texte Constitutionnel relatif aux dispositions transitoires. Pour interprétation, les conditions d’éligibilité qui ont changé dans la nouvelle ne seront pas appliquées. Il est question du « et » et de « l’âge limite » qui ne seront plus. Mais les conditions qui n’ont pas changé restent applicables, et c’est « la limitation à deux mandats. » Alors, sur ce point-là, le principe de non-rétroactivité.
Proposé par Jean Mathias Django
Mise en conformité par Joël ETTIEN