Départ de l’Onuci: treize ans de difficile maintien de la paix en Côte d’Ivoire
L’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) prend fin, ce 30 juin 2017. Autorisée par le Conseil de sécurité de l’Onu en 2004, l’intervention de ces forces dites «impartiales» a été ponctuée de controverses.
Retour en quelques dates sur les mandats et le rôle de l’Onuci et les débats suscités par ses actions au cours de ses treize années d’existence.
13 mai 2003 : l’Onu s’installe en Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire est divisée en deux, suite à la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002 visant à renverser le régime de Laurent Gbagbo élu deux ans plus tôt et l’avancée des rebelles des Forces nouvelles. A l’initiative de la France, un accord est signé en janvier 2003 entre les rebelles du nord et les forces gouvernementales à Linas-Marcoussis, dans la banlieue de Paris. Pour soutenir la mise en œuvre des dispositions de cet accord, le Conseil de sécurité de l’Onu autorise par sa résolution 1479 du 13 mai la mise sur pied d’une mission des Nations unies en Côte d’Ivoire, connue sous son acronyme Minuci.
9 mars 2004 : Onuci, une opération multidimensionnelle
En raison de la persistance de la dégradation du climat sociopolitique dans le pays et la crainte de voir cette situation déstabiliser l’ensemble de la sous-région, le Conseil de sécurité décide de créer par la résolution 1528 du 9 mars 2004, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire ou l’Onuci, qui remplace la Minuci et renforce son mandat. Outre la tâche d’appuyer l’accord de paix signé par les parties ivoiriennes à Linas Marcoussis, en France, qui prévoit le désarmement des rebelles et des milices se réclamant de Laurent Gbagbo, ainsi que la préparation des élections présidentielles prévues en 2005. Cette opération multidimensionnelle a pour mission de surveiller la zone de confiance – une étendue de terre qui séparait le sud loyaliste et le nord rebelle contrôlé par l’opposition, tout en rétablissant la confiance entre les belligérants pour réunir le pays. La résolution dote l’Onuci de 6 000 hommes qui seront portés à 11 792 au plus fort de la crise en 2011, et autorise les forces françaises de l’Opération Licorne sur le terrain à user de tous les moyens nécessaires pour soutenir l’Onuci.
15 novembre 2004 : émeutes à Abidjan
Recrudescence de tensions entre les parties prenantes à cause du retard pris dans le processus de désarmement des rebelles qui devait être supervisé par les forces de l’Onu et la France présentes sur le terrain, selon les dispositifs de l’accord de Linas Marcoussis. Les avions militaires du gouvernement bombardent des positions rebelles dans le nord du pays. Le 6 novembre, ils attaquent une base française à Bouaké tuant neuf français et un Américain. Un bombardement dont Laurent Gbagbo niera toujours la responsabilité et qui fait encore l’objet d’une interminable enquête judiciaire en France. En représailles, l’armée française anéantit l’aviation ivoirienne, ce qui déclenche des émeutes à Abidjan. Alors que l’Onuci déploie ses forces dans les rues de la capitale pour stabiliser la situation, le Conseil de sécurité adopte à l’initiative de la France la résolution 1572 qui condamne les attaques du gouvernement et établit un embargo sur la vente d’armes à la Côte d’Ivoire.
Mai 2007 : casques bleus accusés d’abus sexuels
L’opération des Nations unies est secouée en mai 2007 par un énorme scandale d’abus sexuels impliquant pour la plupart des filles mineures. Certains éléments du contingent marocain, basé à Bouaké, sont accusés d’avoir obligé des filles mineures de coucher avec eux contre l’octroi d’articles de première nécessité tels que des savons, des vêtements ou un peu de nourriture. Suite à ces accusations de pédophilie, le chef de la mission de l’Onu promet l’application d’une politique de tolérance zéro à l’égard des abus sexuels et suspend de ses fonctions le contingent incriminé. D’autres accusations viendront ternir la réputation de l’Onuci, visant notamment des Béninois et des Pakistanais.
2 décembre 2010 : problème de certification du processus électoral
L’un des mandats de l’Onuci était de superviser l’organisation de l’élection
présidentielle de 2005 qui, après avoir été reportée à six reprises pour des raisons techniques et parfois des blocages politiques, s’est finalement tenue en automne 2010. Soucieux d’organiser une élection libre, juste et transparente, les principaux acteurs politiques ivoiriens ont demandé dans le cadre de leurs négociations de sortie de crise que le scrutin présidentiel soit arbitré par les Nations unies. Pour répondre à cette demande, le Conseil de sécurité a adopté le 16 juillet 2007 la résolution 1765 conférant au représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Côte d’Ivoire le mandat de certification de la bonne tenue du processus électoral. C’est ce que fait le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu à Abidjan, Choi Young-Jin, le 2 décembre 2010, validant les résultats officiels du second tour du scrutin présidentiel tels qu’ils avaient été proclamés par la Commission électorale indépendante et qui donnaient Alassane Ouattara gagnant. Les partisans de Laurent Gbagbo estiment que l’officiel international a outrepassé son mandat en donnant le nom du gagnant, alors que selon la résolution 1765 du Conseil de sécurité il devait se contenter de certifier la bonne tenue du processus électoral. L’annonce de la victoire d’Ouattara par le chef de l’Onuci a polarisé l’opinion publique d’autant que les institutions ivoiriennes, à savoir la Commission électorale indépendante et le Conseil constitutionnel, avançaient des lectures contradictoires des résultats du scrutin en question.
Décembre 2010 – avril 2011 : la crise post-électorale
Les attaques que se livrent les deux rivaux – Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara – pendant la crise post-électorale qui éclate dès le lendemain de l’annonce des résultats, ciblent également l’Onuci. Pour arrêter ces violences menaçant de plonger l’ensemble du pays dans le chaos, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte le 30 mars la résolution
1975 autorisant l’Onuci à engager toutes les « mesures nécessaires à la protection des civils », y compris si nécessaire en empêchant le recours à l’arme lourde contre lesdits civils. Le 4 avril 2011, l’Onuci et les forces de l’opération française Licorne annoncent avoir tiré sur des camps militaires pro-Gbagbo, le palais présidentiel et la résidence du président sortant. Les hélicoptères «MI-24 » blancs de l’Onu tirent des roquettes sur les derniers réduits de Laurent Gbagbo. Ces frappes, assure à l’époque le secrétaire général des Nations unies en personne, « visent à protéger les civils et non à s’attaquer au président sortant Laurent Gbagbo ». Les partisans du président ivoirien considèrent, au contraire, qu’il s’agit d’un prétexte pour le renverser. Le 11 avril, Laurent Gbagbo est arrêté.
30 juin 2017 : clap de fin
Cinq ans après la sortie de la crise post-électorale de 2010-2011, estimant que « la Côte d’Ivoire est résolument engagée dans la voie de la paix durable, de la stabilité et de la prospérité économique », le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé en 2016, par sa résolution 2284, de mettre fin à la mission de l’Onuci. La date du retrait total est fixée au 30 juin 2017.La quasi-totalité des Casques bleus quittent le territoire ivoirien avant février. Selon le communiqué de presse de l’Onuci, le coût de l’opération de maintien de la paix en Côte d’Ivoire s’élevait en moyenne à 600 000 dollars par an. Saluant le rôle joué par l’Onuci pour le rétablissement de la paix en Côte d’Ivoire, le président ivoirien Alassane Ouattara a demandé une « décoration » pour sa patronne Aïchatou Mindaoudou, représentante spéciale du secrétaire général à Abidjan.