RDC: qui fournit les armes de la répression?
Après la répression des marches des laïcs chrétiens, des ONG ont interpellé l’Union européenne et la France.
Elles s’interrogent sur la nature de leur coopération avec les forces de sécurité congolaises. Les Européens ont-ils un lien direct ou indirect avec cette répression ? Mercredi 28 février, l’UE et la France ont répondu. L’UE dit conserver un programme d’appui à l’armée, mais essentiellement dans le domaine de gestion et administration. Bruxelles est claire : elle ne fournit aucun soutien en armes. La France, elle, n’accorde plus d’autorisation d’exportations d’armes depuis novembre. Une coopération militaire réorientée sur la formation, pas sur l’opérationnel. Aucun coopérant français n’aurait de lien avec le maintien de l’ordre. Alors qui fournit les armes nécessaires à la répression des manifestations ?
Dans trois des villes où la répression des marches des laïcs chrétiens a été la plus violente depuis janvier 2018, les douilles que l’on retrouve autour ou dans les églises sont des munitions de fabrication chinoises 7,62 x 39 mm pour Kalachnikov.
A Mbandaka – où un manifestant, Eric Bokolo, a été tué le 25 février 2018 – les douilles portaient une numérotation bien connue au Congo : 61/98. « 98 » pour l’année de fabrication et « 61 » donne une idée de l’usine de fabrication. En l’occurrence, il s’agit de China North Industries Corporation (Norinco).
Si ce stock de munitions de Kalachnikov est bien connu des experts en armements, c’est qu’on le retrouve chez les principaux groupes armés de l’Est depuis 2013. Sans surprise le M23, qui était composé pour l’essentiel d’officiers ayant fait défection de l’armée congolaise, mais aussi chez les FDLR, les rebelles hutus rwandais, les Nyatura, l’APCLS.
Mais si l’on regarde à Kinshasa, près de la paroisse Saint-François de Sales où la jeune Thérèse Kapangala a été tuée le 21 janvier 2018, on retrouve là aussi des munitions chinoises bien connues, 911/77, présentes chez une bonne dizaine de groupes armés, du M23 aux ADF en passant par les FDLR et même des milices qui ont tué à Mutarule en juillet 2014.
A Kisangani où il n’y a pas eu de morts mais des blessés, les mêmes types de munitions ont été retrouvées, de fabrication chinoise, mais plus récentes. Certaines datent de 2007, 821/07. Et là encore, ce sont des munitions que l’ONU et d’autres ont retrouvées ces dernières années chez les M23, les ADF, les FDLR et ces mêmes milices auteurs du massacre de Mutarule au Sud-Kivu.
Des stocks de l’Etat aux réserves des groupes armés
Comment expliquer que l’on retrouve ces munitions chez les forces de sécurité à l’ouest et dans les groupes armés qui sévissent dans les Kivus ? Depuis la fin de la deuxième guerre du Congo, il y a un embargo sur les armes à destination de la RDC qui, depuis 2008, ne concerne que les groupes armés. Le gouvernement congolais peut acheter ce qu’il veut, mais le matériel doit être notifié par les Etats concernés au Conseil de sécurité. Pour vérifier le respect de cet embargo, il y a deux structures onusiennes, la Monusco et surtout le groupe d’experts de l’ONU sur la RDC.
Claudio Gramizzi était l’un des experts sur les armes de ce groupe. Il travaille aujourd’hui pour Conflict armement research, une ONG spécialisée dans la traçabilité des armes : « Il y a eu énormément d’épisodes d’écoulement et d’évaporation des stocks de l’Etat vers des groupes armés, au sens où, finalement, elles ont pu récupérer de l’armement auprès de l’Etat congolais de manière directe ou indirecte, avec des degrés de participation et d’implication plus ou moins avérées, plus ou moins immédiates et plus ou moins volontaires de la part des autorités. Mais c’est certain que lors des premières années de la décennie 2000-2010, il y a eu énormément de tonnes de matériels qui sont passées du contrôle de l’Etat congolais directement aux réserves, je dirais, des groupes. »