La science moderne contre les noirs?INVESTIGATION 

Afrique: Le pouvoir africain ou la monarchie républicaine.

Du célèbre constitutionnaliste français Maurice Duverger, le concept de  » monarchie républicaine » est relatif au système politique où le président de la République exercerait un pouvoir de nature monarchique. C’est comme s’il était détenteur d’un pouvoir propre, par  hérédité, de droit divin. Ce mode de fonctionnement ne peut naturellement pas favoriser la démocratie et l’expression des libertés.

Dans dix ans, vingt ans, trente ans, cinquante ans le monde aura changé inexorablement. Le développement technologique et l’accélération des mutations, le progrès économique et social, la liberté politique et l’évolution démocratique, la création culturelle, etc. Et l’Afrique ?

Dans l’histoire de l’humanité, la décennie 1960-1970 devrait représenter pour l’Afrique une période déterminante, après la traite négrière et la colonisation. Les indépendances des pays africains globalement, francophones d’abord, anglophones ensuite et, lusophones enfin  en 1975. Tous ont opté pour système politique la RÉPUBLIQUE, RES PUBLICA, la CHOSE DE TOUS, qui implique donc la DÉMOCRATIE, le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. La souveraineté appartient au peuple qui le délègue à des représentants.

En cours de route, très rapidement les pouvoirs en place, surtout dans les États francophones, ont imposé le monopartisme, le parti unique en lieu et place du multipartisme existant avant les indépendances.

Le parti unique était considéré comme le moyen de forger l’unité nationale,  à partir d’une multitude d’ethnies souvent rivales, à rassembler dans  un même creuset pour accélérer le processus de développement et promouvoir la paix. En réalité, le monopartisme est une confiscation des libertés sans lesquelles il n’y a ni dignité ni initiative encore moins participation responsable à la vie politique nationale ou locale… La tentation reste forte chez nombre de chefs d’État africains de se retrouver dans un environnement sociopolitique national marqué par l’esprit de parti unique. Un parti n’est qu’une partie d’un ensemble. Si la partie veut se substituer à l’ensemble, au tout c’est le totalitarisme.

Le parti unique écrase les individualités et favorise le triomphe de la personnalité du chef, du leader. Surtout quand celui-ci est qualifié de visionnaire et de charismatique. Tout commence, se vit et se termine par lui. Tous se rassemblent de gré ou de force autour de lui. Ainsi, au fil du temps le loyalisme, le suivisme et l’esprit grégaire du militant se substituent à l’indépendance d’esprit et au discernement du citoyen.

Les dérives logiques de l’esprit du monopartisme sont la tentation du troisième mandat et le désir de la transmission dynastique du pouvoir.
Le troisième mandat, consécutif à  une modification constitutionnelle ou un changement de constitution, constitue la nouvelle trouvaille de l’esbroufe politique africaine.

Le débat du troisième mandat apparaît comme une étrangeté, un théâtre en Absurdie.  Il en est un  où la mauvaise foi l’emporte sur la prise en compte de l’intérêt national, l’intérêt général. Chaque partisan de ce schéma sociopolitique, au fond de lui-même, en son intime conviction, se rend plus de justice, surtout vis-à-vis de sa conscience. Il appartiendra à l’histoire de porter son jugement et de rendre son verdict, tôt ou tard. Il s’agit là encore d’une affaire de respect des textes de droit et  d’éthique de la gouvernance. Dans tous les pays concernés, le sujet du troisième mandat reste une source de contestations, de troubles et de violences. À ces situations répond généralement une répression sans concessions entraînant des atteintes graves à  la liberté, l’intégrité physique des populations, avec mort d’hommes. Alors que la mission de l’État consiste à protéger et à promouvoir la vie, la liberté et la dignité des citoyens. 

En définitive, les reniements et les boniments sont monnaie courante et rendent illisible toute évolution de la gestion des États en Afrique. En tout cas,  quelque chose doit être fait , comme le recommande le président du NIGER, Mohamed Bazoum. Au demeurant, l’ancien président américain, Barack Obama, d’origine africaine, s’était déjà adressé à l’Union africaine, à Addis-Abeba, en ces termes : » Quel que soit son génie, un président ne peut réaliser tout le travail qui incombe à un État, quel que soit le temps  qu’il passera à la tête de celui-ci. Si un président estime qu’il ne peut passer la main, faute de successeurs compétents, c’est qu’il aura échoué ». En un mandat de 5 (cinq) ans, après 27 (vingt sept) de prison, Nelson Mandela a transformé positivement le destin de son pays, l’Afrique du Sud, à l’issue de l’abominable système politique  et institutionnel de ségrégation raciale (Apartheid).

Ainsi, l’Union africaine (U.A) et les organisations sous-régionales sont interpellées pour sonner le tocsin et revenir à une normalité constitutionnelle, en droit et en fait.

Tout est finalement lié. Si on veut s’éterniser à la tête de l’État, on ne peut qu’envisager une succession au profit de sa descendance pour la conservation du pouvoir, du patrimoine, des privilèges.

La transmission dynastique du pouvoir en Afrique devient de plus en plus une préoccupation liée à  la mal gouvernance.  Une dynastie représente une suite de souverains issus d’une même famille. Elle s’effectue sans l’intervention du peuple, les gouvernés, d’ailleurs qualifiés ou désignés de « sujets ». Cela serait compréhensible (et encore !) dans une monarchie c’est -à- dire un royaume ou un empire.

Comme en Afrique les mauvaises pratiques sont contagieuses, alors la coutume s’établit aux mépris et dépens du peuple, sous le regard bienveillant de l’extérieur, notamment dans la sphère francophone. La familiarité manifeste d’autorités françaises avec des dirigeants africains devient embarrassante et contre-productive. Il est plus que souhaitable de revenir aux fondamentaux du protocole qui sied dans la gestion des relations d’État à État, autour d’intérêts vitaux pour leurs populations. A quand la fin d’une telle gestion des relations diplomatiques et politiques de nature à retarder gravement la démocratie en Afrique et surtout à abaisser encore davantage l’être africain ? Les Africains ont droit au respect de leur dignité en tant que membres de la famille humaine, avec tout ce qui accompagne cette qualité.

Dans cette quête de modernité, les intellectuels sont appelés à faire preuve de courage, d’engagement et de responsabilité. Ils ont une dette sociale et morale vis-à-vis de leurs pays. Pourquoi une nation forme t’elle, à grands frais, une élite intellectuelle ? C’est pour la diriger avec discernement, contribuer à son développement, la représenter et défendre ses intérêts légitimes dans les relations internationales. Ce qui fait l’intellectuel, c’est sa capacité et …sa volonté d’analyse, objective sinon honnête,  pour l’éclairage utile des choix et l’aide judicieuse à la prise de décision dans la gestion de la société, la conduite de l’État.

Un État est un produit, un chef-d’œuvre de l’histoire. Pour sa part, la Côte d’Ivoire a manqué deux rendez-vous cruciaux de son histoire contemporaine: le retour au multipartisme sans une rénovation institutionnelle et sociopolitique préalable, d’une part et, d’autre part l’élection présidentielle biaisée et piégée de 2010. L’avenir du pays se jouait sur ces deux séquences majeures.

La gestion d’un État, c’est d’abord et avant tout la pratique et le respect du droit à travers la constitution, les lois et règlements ainsi que les traités internationaux. Surtout dans les temps incertains, le droit prémunit contre les dérives, les abus et manquements divers. La paix par le droit est assurée lorsque les institutions s’appuient sur des textes, des principes et des valeurs pour prendre les décisions. Mais le droit a la vie dure en Afrique. Le droit est un concept abstrait, immatériel. Or, la culture africaine s’avère matérielle et  physique.

L’Africain, en général, n’arrête toute tentative  ou entreprise répréhensible que lorsqu’il rencontre un obstacle physique, matériel. Il en est, à titre illustratif, des rapports entre le président de la République et les Forces armées nationales, le phénomène des coups d’État.
Le droit, la démocratie, la bonne gouvernance et l’État de droit doivent être plus dans la tête que dans les textes, par l’éducation, la formation et le contrôle suivi de sanctions. Mais pourquoi et comment l’Afrique s’arrange t’elle toujours pour faire  le contraire de ce qu’il est convenu de faire pour avancer ?

Un autre éminent constitutionnaliste, Georges Burdeau, indique :  » Au commencement et à la fin des efforts des hommes pour inventer l’État -INSTITUTION-, il y a une idée de discipline « . Les gouvernants africains manqueraient-ils de discipline, tout en voulant avoir des disciples? Ils sont, à notre sens, en mesure de faire évoluer la gouvernance dans leurs pays respectifs, s’ils ont à l’esprit d’entrer dans l’Histoire par la grande porte. Et de faire entrer leurs peuples dans la grande espérance, avec l’opportunité de vivre dans une société de liberté, de responsabilité et de dignité !

2 août 2022
                     Pierre AYOUN N’DAH
                     Docteur en Droit public
                     Auteur de: « Moderniser l’État      africain », Ed.du CERAP, Abidjan, 2003 

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