femmeFICTIONS 

Akissi est vraiment dans l’embarras.

Akissi a tous ses diplômes mais ne trouve pas de travail et elle ne sait plus où mettre la tête et à quels saints se vouer. Elle prend de l’âge. Elle fait le tour de toutes les administrations sans aucun succès. Même dans le privé, son CV n’accroche pas et la pauvre, elle passe tout le temps à ronger ses ongles.

Un matin, elle tombe sur une annonce publiée dans un encart d’un journal où son profil peut retenir cet employeur. Elle n’a plus d’habits pour porter tellement que la galère lutte sa vie avec elle. La veille, elle prend soin d’appeler pour savoir si ce poste est encore disponible et au bout du fil, la voix d’une femme, lui dit qu’il n’est pas encore pourvu et elle prend rendez-vous.

Le lendemain matin, elle saute dans le premier bus et préfère attendre devant le bureau. Il était 6h45 quand elle arriva devant les locaux pour attendre l’ouverture.

Assise sous un arbre, ce sont les oiseaux qui viennent fredonner de leur plus belles voix, leurs chansons qui font dissiper l’angoisse, le stress et la peur. Elle en avait besoin car depuis plus de 10 ans qu’elle a fini ses études, même pour avoir un contrat de stage impossible, pour dire qu’elle va trouver un emploi. Un matin, elle s’est même proposée de postuler pour les métiers de servante, ce qu’en Côte d’Ivoire, on appelle, les bonnes.

Son père est décédé quand elle avait 5 ans, en laissant 4 enfants à sa mère qui, au village, n’arrive pas à joindre les deux, mais Akissi a tout fait pour terminer ses études dans les conditions d’une orpheline, mais elle ne trouve pas du travail. Les temps qui passent, prolongent son âge. Elle a soufflé ses 34 bougies seule dans un petit studio qu’elle partage avec une fille vendeuse de beignets dans le coin de la rue et ce sont les deux qui s’enferment pour pleurer sur leur sort.

Elle a un vieux téléphone qui ne lui permet pas d’avoir les informations pour dire qu’elle va se créer une page Facebook et naviguer sur les réseaux sociaux. Akissi ne va pas bien et est au bord du gouffre.

Il est 7h50, les occupants des bureaux où elle attend, font leur entrée, les uns après les autres. Elle ne sait pas qui lui a répondu pour la rassurer que le poste est encore vacant. L’heure de son rendez-vous était pour 9h, l’heure d’arrivée du patron qui auditionne les candidats. Les oiseaux sont partis et ce sont les pas des occupants de l’immeuble qu’elle entend, mais ses idées sont ailleurs. Son apparence ne lui donne pas la chance, parce qu’elle n’a pas les moyens pour se donner à l’esthétique, mais elle est femme tout de même. Elle a des traits d’une belle femme, sauf qu’elle est rongée par le nombre d’années mis sur la touche.

Jusque-là, Akissi ne sait pas comment manipuler un téléphone tactile, puisqu’elle n’en a pas les moyens pour s’en acheter et aller au village aussi, n’est pas sa solution.

9h, elle se dirige vers le hall pour se présenter et demander des renseignements sur l’étage où se trouve le service où elle a son rendez-vous. On lui indique, tout en gardant sa pièce d’identité, en retour, on lui remet un long badge avec un numéro qui montre bien qu’elle est passée ce jour. Dehors, la chaleur et la fraîcheur du hall la mettent dans un autre état, elle n’a jamais vécu dans un tel climat.

Elle prend l’ascenseur et arrive au 12 étage. Elle se présente et on la fait asseoir, dans un fauteuil luxueux. Elle attend et voit les allées et venues de ceux qui y travaillent et son rêve: comment parvenir à gravir un seul poste.

La secrétaire lui propose du café, mais elle décline l’offre car dans son quotidien, ces genres de privilège n’existent pas, ce n’est pas ce matin qu’elle va tenter quelque chose qui va lui faire l’effet contraire.

Une grande pendule est suspendue au-dessus de la tête de la secrétaire qui indique l’heure et cela fait plus de 30 minutes qu’elle attend. 9h45, une dame, vient à son niveau et lui demande si c’est elle Akissi. Elle répond par l’affirmative et elle l’invite à la suivre, ce qu’elle fait. Elle rentre dans un grand bureau et trouve au bout dans un gras fauteuil, un monsieur suffisant, débonnaire qui l’invite à s’asseoir et l’autre dame sort en prenant soin de fermer la porte.

Elle est assise devant le directeur qui lui demande des nouvelles. Elle répond pour dire qu’elle est venue pour répondre à l’annonce. Le monsieur quitte son siège et vient se poster à son niveau. Comme si les deux se connaissaient depuis longtemps et commence à sympathiser avec elle. Il lui prend son enveloppe et regarde qu’elle a bien le profil de ce qu’il cherche. Il lui remet un billet de 10 000 frs pour qu’elle aille manger et revenir aux environs de 11h50, le temps de la pause-déjeuner.

Il la raccompagne et la secrétaire marque un temps de surprise et son patron lui dit que la dame va revenir vers midi, de lui dire qu’elle est là pour qu’il la reçoive.

Akissi descend avec son billet qu’elle n’a jamais tâté et cherche à s’acheter deux petits trucs à se mettre sous la dent et garder le reste pour la semaine.

Elle remonte pour la suite du rendez-vous et le directeur la reçoit. Les deux échangent sur la situation de Akissi et il se rend compte qu’il a là, une proie facile. Il l’invite à descendre avec lui et en bas, le chauffeur leur ouvre les portes de la voiture et ils s’y engouffrent, direction un grand restaurant. Il met Akissi à l’aise et elle est dépassée par ce qu’elle voit, c’est la toute la première fois qu’un homme se met à sa disposition. Elle qui n’a pas fait l’amour depuis plusieurs années, d’ailleurs,  elle n’y songe même pas. 

Il passe sa commande et demande à Akissi de passer la sienne, mais apparemment, il se rend compte qu’elle n’est pas habituée à ces privilèges et demande la même chose pour elle. Le restaurant est aussi climatisé et ce sont des choses qu’elle entend parler, mais dire que c’est elle qui les vit ce jour, elle n’y croit pas. Les plats arrivent avec une bonne bouteille de vin, mais il n’a pas même laissé le temps à son invitée de placer un mot et il lui dit que c’est à sa santé.

Le repas fini, il invite Akissi à l’accompagner pour une destination inconnue par elle. Elle n’a pas le choix et remonte dans la voiture et ils retrouvent devant un grand hôtel. Chaque chambre a son parking. Apparemment, c’est un habitué des lieux, mais manque de pot pour lui, Akissi est indisposé et ne peut pas faire l’amour. Dans la chambre, elle le supplie car elle est indisposée. Elle est obligée de lui montrer et il devient conciliant, mais les deux se couchent côte à côte et vers 14h30, ils sortent et en cours de route, il lui donne un autre rendez-vous pour une autre audition.

Il lui remet 50 000 frs pour son déplacement et Akissi prend congé de lui.

En route, sa tête bourdonne et elle ne comprend pas, pour la première fois, le patron se met à sa disposition au point où il veut coucher avec elle. Est-ce c’est la condition pour son acceptation ou bien il en a cette habitude de vouloir tenter de coucher avec toutes les filles qui viennent postuler. Elle ne comprend pas. Elle n’a personne à qui se confier et les jours passent et un soir, son téléphone sonne et c’est le fameux patron qui lui donne rendez-vous. 

Elle se rend donc à ce rendez-vous et le futur patron plante le décor de son envie de coucher avec elle. Elle ne peut pas lui poser de questions, mais voilà la condition. Dans cet embarras, que doit faire la pauvre Akissi ?

                                       Joël ETTIEN

Related posts

Leave a Comment