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Côte d’ivoire: La problématique de la communication politique.

Nécessité vitale dans les rapports sociaux, la communication est devenue une exigence des temps modernes. Elle est même encore plus déterminante, aujourd’hui, avec le développement prodigieux des technologies de l’information et de la communication (TICs). La communication demeure centrale et cruciale dans la sphère politique. En effet, celle-ci représente un espace de confrontation des idées et de lutte des  » idéologies », des projets de société, des programmes de gouvernement pour la conquête du pouvoir, sa conservation et son exercice, en vue de la transformation de la société.

Dans la société politique, normalement,  on ne s’exprime pas en son nom, à titre personnel car on incarne la vision, la force,  l’esprit et l’expression d’une organisation (État, collectivités, partis, associations, etc.), pour une cause nationale, régionale, locale ou internationale. L’on exerce le leadership d’abord pour un groupe de personnes déterminé, généralement homogène et  pratiquement  de la même nature, avant de prétendre l’étendre, à un plus grand nombre, forcément hétérogène, diversifié et complexe.

De ce fait, une éthique et une discipline langagières s’imposent pour la préservation de la crédibilité et… des intérêts du groupe, mouvants. Un niveau d’expression convient en la circonstance, en rapport avec la noblesse et parfois, sinon souvent, la solennité de l’occasion. Malheureusement observe t’on, en Côte d’Ivoire, une trop grande liberté avec le code de communication politique. Les expressions comme  » mon aîné », « doyen »,  » frère  » , « Cadet », « jeune frère », etc. constituent des formes de familiarité feinte, à proscrire. Ce fait n’est pas à confondre avec la convivialité, qui reste dans des limites contrôlées et maîtrisées.

Dans une relation politique officielle, la familiarité incite à biaiser et à banaliser l’échange dont l’objet normalement dépasse les personnes des interlocuteurs, si importants soient-ils, en termes d’enjeux et de conséquences pour la collectivité ou la communauté. Le fond est sacrifié au profit de la forme, la confusion des genres, stérile et plus spectaculaire que productive.

Quel que soit son âge ou son statut, l’acteur politique engagé dans le jeu se doit de considérer son interlocuteur comme un adversaire,  non moins partenaire, à traiter avec égards et respect. Toute autre attitude s’apparenterait à un mépris ou une méconnaissance regrettable du code des valeurs de la communication politique, la communication publique.

Politiciens ivoiriens, si vous étiez aussi frères et amis que cela, vous ne seriez pas engagés dans des relations politiques violentes et meurtrières depuis des décennies ! Dans un pays de culture démocratique, tout sujet d’intérêt national traité au sommet de l’État redescend dans la société, au niveau des populations pour une appropriation, en vue d’orientation éventuelle des décisions.

Notre société ivoirienne, depuis le parti unique, est plus caractérisée par une culture gouvernementale d’information que de communication. Du coup, lorsque le peuple insuffisamment ou généralement pas informé de préoccupations qui sont pourtant les siennes s’exprime, la crédibilité de l’État est déjà entamée.

L’un des grands maux de la Côte d’Ivoire, c’est la présence dans le champ  politique  » d’autorités non instituées », qui supplantent les autorités institutionnelles et engagent l’État par des propos de peu de convenance sociale ou morale. On se retrouve régulièrement devant des situations à la limite de la désinvolture,  surtout dans une proportion d’âge encore marquée par l’impétuosité, la véhémence.   Les politiciens ivoiriens dans leurs  communications manquent, généralement, d’authenticité et de matérialité et devraient pouvoir nous servir plus d’élévation.

Une communication maîtrisée, pertinente et judicieuse, donc assertive, conduit à rassurer et consolider la légitimité pour préserver la paix sociale, tout en suscitant l’adhésion et la mobilisation des citoyens pour le développement.

La communication politique, comme toute activité spécifique s’apprend, se gère et se pratique avec professionnalisme pour servir utilement et produire des résultats structurants. Elle peut -elle doit- toujours s’améliorer par la mise en place de véritables structures de communication publique. Le pays dispose d’un outil de formation de notoriété internationale : l’Institut des Sciences et Techniques de la Communication (ISTC-POLYTECHNIQUE). Ses missions pourraient être modifiées à cet effet.  Le renforcement des capacités de l’État, des  collectivités et de la société civile peut lui être confié, principalement mais non exclusivement.

Il ne peut y avoir de communication politique réelle sans une presse formée et organisée pour cette mission. Existerait-il  une association des journalistes politiques en Côte d’Ivoire?

La presse nationale, incontournable pour la promotion de la démocratie, l’État de droit et la bonne gouvernance, fera l’objet d’une analyse, ultérieurement. Toutefois, par ses fragilités, notre presse politisée à l’excès, permet aux dirigeants politiques de « manquer de respect » à l’État et au peuple, dans leurs interventions publiques.  La dignité et la noblesse de la représentation politique,  marques distinctives du pouvoir et des institutions, devraient transparaître à travers la communication des acteurs publics.

La communication politique, par la parole publique, l’écrit rendu public ou le silence,  apaise ou enflamme, ouvre ou ferme, éclaire ou obscurcir, incite à la paix ou provoque la guerre, construit ou détruit, en tout cas influe assurément sur les comportements collectifs et individuels des citoyens.

Bien menée, avec un esprit d’ouverture, de respect de la diversité et de souci de régulation sociale,  la communication politique promeut un climat de tolérance et d’apaisement, bénéfique pour tous. Elle a vocation à rapprocher, à faire entrer dans  le dialogue et à rassembler, à réduire les incompréhensions et les tensions, à prévenir et aider à mieux gérer les conflits, inhérents à la vie en communauté. Pour communiquer, il faut se reconnaître mutuellement et s’écouter attentivement.

Ainsi, dans le respect de nos différences, regardons ensemble vers le même horizon, l’intérêt de la Côte d’Ivoire, en union et communion, pour bâtir à nouveau une société encore plus fraternelle, prospère et solidaire par le dialogue et pour la paix.

10 juillet 2022    
                  Pierre AYOUN N’DAH 
                 Docteur en Droit public
                 Expert en Management
                 Ancien haut fonctionnaire
 

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