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FRATERNITÉ POUR L’UNION IVOIRIENNE

Il ne faut pas se faire d’illusions. Aucun pays au monde ne peut réaliser l’unité nationale. Celle-ci reste une utopie sur cette terre des hommes…et des femmes. L’unité renvoie, généralement dans l’imagerie populaire voire populiste, à l’uniformité, l’uniformisation, l’égalité ou l’égalitarisme, l’unanimité ou l’unanimisme.

L’objectif raisonnable et réaliste consiste plutôt en  la recherche de l’union. D’ailleurs, dans la Devise de la Côte d’Ivoire, il s’agit bien d’UNION -Discipline -Travail.

 Les différences existent et existeront toujours, soit d’ordre naturel soit d’ordre social. C’est surtout dans le second cas, l’ordre social, que le pouvoir a la principale responsabilité de gérer, d’y faire face, pour éviter les cycles de violence. L’idéal est de s’acheminer vers l’équité et la justice pour l’équilibre de la société. À cette fin, le droit ne paraît pas toujours suffisant, pour parvenir à des résultats satisfaisants, au bénéfice de l’ensemble de la communauté nationale. La part de l’éthique et le jugement humain ont leur importance en politique.

Le Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY a cultivé la fraternité et l’a élevée au rang de valeur cardinale, pour espérer produire une solidarité nationale durable, porteuse de prospérité et de paix. Il a inventé un instrument, le DIALOGUE , pour le règlement pacifique des conflits. Il a  forgé un esprit d’ouverture et surtout un sentiment  fraternel puissant et fort  à l’intérieur des frontières nationales, ainsi que dans la sous-région ouest-africaine notamment.

 Après la PAIX et le DIALOGUE, les mots  FRATERNITÉ et FRÈRE revenaient régulièrement,  dans le lexique verbal du Président.

 Pour sa communication politique et diplomatique, Félix HOUPHOUËT-BOIGNY disposait du journal FRATERNITÉ MATIN pour l’action gouvernementale et de FRATERNITÉ HEBDO pour la propagande du PDCI-RDA (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement Démocratique Africain), le parti unique jusqu’en 1990.

 Dans notre société ivoirienne, les deux expressions qui sont les plus fréquentes dans le commerce social ou relationnel demeurent: « MON FRÈRE, MA SŒUR » . De notre temps, les  élèves et surtout les étudiants ignoraient parfois jusqu’au nom de famille de certains de leurs condisciples qu’ils côtoyaient pourtant au quotidien. Tout simplement parce qu’ils s’appelaient  par l’expression « VIEUX FRÈRE ». Le système de l’internat et des cités universitaires a véritablement contribué à promouvoir un sentiment d’appartenance nationale, facteur de promotion et de consolidation de la citoyenneté.

 Aussi est-il légitimement attendu des trois grands Leaders nationaux, les Présidents Henri KONAN BEDIE, Alassane OUATTARA et Laurent GBAGBO, droit d’aînesse considéré, une manifestation éclatante de la FRATERNITÉ. Ils se donnent, et cela est émouvant à entendre, régulièrement, du  » MON cher Aîné », « Mon jeune frère ». « MON Aîné », « MON Cadet », « UN FRÈRE ». Ce sont des moments qui soulagent sans pour autant toujours rassurer les populations. Celles-ci leur  seraient reconnaissantes de les gratifier d’un partenariat fraternel effectif, surtout lorsque l’intérêt supérieur de la nation l’exige. La fraternité reste la marque déposée de la culture nationale ivoirienne et représente le ciment de la société. La fraternité surmonte tout et triomphe de tout. Son esprit devrait irriguer les institutions de la République et inspirer continuellement les responsables politiques. C’est un patrimoine à transmettre de génération  en  génération, tout en entrant suffisamment et profondément dans un esprit de lucidité et de discernement.

 Pour l’illustre mémoire du Président HOUPHOUËT, mais également celles de ses vaillants compagnons, Philippe YACÉ, Mamadou COULIBALY, Auguste DENISE, Germain COFFI GADEAU, Alphonse BONI, Mathieu EKRA , Jean

-Baptiste MOCKEY, etc., que tous aujourd’hui agissent en frères, pour qu’il puisse en être ainsi demain et toujours!

 Malgré l’adversité politique, compréhensible et normale dans toute société politique, soyons  » unis dans notre diversité « !

 Le Président HOUPHOUËT lui-même, à son dernier Congrès du PDCI-RDA, en octobre 1990, à Yamoussoukro, a fait une recommandation, presque les larmes aux yeux. Il a déclaré en substance :<< On ne se bat pas au chevet d’une mère malade. Dans le cadre de la gestion du multipartisme, notre attitude envers l’opposition doit être loyale; la compétition politique doit se érouler dans un cadre fraternel. Nous demeurons des frères. Il faut, au moins, préserver les acquis, en évitant la violence>>. Une déclaration qui vaut testament. Il faut croire en la Côte d’Ivoire, une « nation mosaïque »,  un « pays roseau », résilient et conciliant.

 Pour entretenir le climat de fraternité, il importe de s’inscrire dans une dynamique d’assertivité. La communication assertive vise à exprimer son opinion dans le respect de l’autre, sans blesser son interlocuteur. Elle est soutenue par l’empathie. Malheureusement, de plus en plus, la communication par les réseaux sociaux ne rassure pas pour les efforts de paix, de réconciliation, de respect de la vie privée et l’observance de la décence. Le discernement  et la discipline des animateurs de ces outils de construction humaine et sociale doivent être rappelés et réclamés.

 La fraternité induit l’acceptation mutuelle, la tolérance, la solidarité agissante, la réalité de l’interdépendance, dépendance réciproque, une communauté de destin. L’objectif est d’œuvrer à la promotion de la vie et au respect de la dignité humaine, à la gestion des nuances d’appréciation ou même des contradictions,  dans la sérénité et la hauteur de vue.

 Dans une famille normale, lorsqu’il y a des palabres, on peut aller assez loin dans le différend ou le conflit, , sans aller trop loin, pour se donner la chance et l’ occasion de se retrouver. On n’a vraiment pas le choix que de préserver l’essentiel, c’est-à-dire l’intégrité de la famille qui est votre matrice, source d’existence et raison d’être fondamentale sur terre. La Côte d’Ivoire est notre famille, aspirant encore et toujours à honorer sa vocation de « PATRIE DE LA VRAIE FRATERNITÉ « (les mots de la fin de l’hymne national).

 La réconciliation nationale et la cohésion sociale sont à portée de main. L’espoir est permis, si les acteurs politiques, mieux les artisans politiques, jouent franchement le jeu et ont foi en une communauté nationale fraternelle  à bâtir. Il leur reviendra de coopérer sincèrement à la belle exigence de construction d’une Côte d’Ivoire, encore plus, terre d’espérance commune et de prospérité partagée. Une question préalable. Au fond, en tant que nation en devenir, quel est notre idéal commun ?

                                 29 juin 2023

              Pierre AYOUN N’DAH

              Docteur en Droit public

              Expert en Management public

             Ancien professeur à l’ENA Abidjan    

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