La CEDEAO inquiète en Côte d'IvoireA LA UNE AFRIQUE 

INTEGRATION REGIONALE ET STABILITE DES ETATS OUEST-AFRICAINS : SORTIR DU CERCLE VICIEUX (1ère partie)

L’expérience d’intégration vise à promouvoir une autonomie collective (self reliance), permettant aux Etats membres de mettre en commun leurs efforts pour la sécurité, la stabilité, le développement et la paix.

La sous-région ouest-africaine est aujourd’hui confrontée à une sorte de quadrature du cercle. Ses institutions d’intégration se placent plus dans une interrogation de doute, d’inquiétude, que de recherche pour une action salvatrice.

Les trois principales organisations de l’espace ouest-africain sont : la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), ECOWAS en anglais avec pour siège Abuja, au Nigeria, créée en 1975 ; l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine) dont le siège est à Ouagadougou au Burkina Faso créée en 1994 ; le Conseil de l’Entente, à la création Union Sahel Bénin, dont le siège est à Abidjan, en Côte d’Ivoire, créé en 1959.

Pour l’actualité, après les coups d’Etat au Mali, en Guinée Conakry, au Burkina Faso et la tentative de putsch en Guinée Bissau, entre août 2020 et janvier 2022, la confusion semble s’installer dans les esprits quant à la volonté des dirigeants des pays de faire progresser la démocratie et promouvoir la bonne gouvernance.

L’irruption des militaires sur la scène politique révèle un échec de la démocratie et une défaite de la pensée politique en même temps qu’une régression institutionnelle. Mais, est-ce le moindre mal en l’état actuel de la gouvernance des civils en Afrique ? Il est impératif de sortir de cette nasse africaine pour dégager des perspectives constructives en rapport avec la nécessité de notre apport au progrès de l’humanité.  

Conduire un Etat consiste à entretenir des harmonies permanentes, pour espérer parvenir à l’unité de la diversité nationale.

En Afrique, chaque pays a hérité d’un Etat à l’indépendance. Il revenait à l’Etat de forger une nation, en se plaçant au-dessus des particularismes tribaux, ethniques et claniques. En cela, l’échec de la décolonisation réside en ce qu’à l’indépendance, colonisateurs et colonisés n’ont pas su construire la confiance indispensable pour la gestion d’un avenir commun sur un même espace. A cet égard, l’Afrique australe s’en sort mieux car, après les luttes d’émancipation, héroïques pour la libération et la fin de l’apartheid, le réalisme et le discernement ont conduit à placer la gestion des affaires de l’Etat en mode « noir et blanc », pour l’harmonie des communautés en interne et la compréhension socioculturelle en international.

Comment les Africains appréhendent-ils la gouvernance de l’Etat ? Sans exagérer, existe-t-il réellement une demande chez les Africains pour une prise en compte de l’intérêt général par l’Etat ? Pour les dirigeants, comment retrouver ou simplement trouver le sens de l’Etat ? Comment faire intégrer que le pouvoir est forcément limité dans le temps ? Le fait de l’alternance, acte politique majeur dans la vie d’une nation, permet de relativiser le rapport au pouvoir. Le temps politique est un temps incertain.

La démocratie a pour socle la confiance entre le peuple détenteur légitime du pouvoir et les gouvernants, en réalité des préposés, des gestionnaires formels du pouvoir dont ils doivent rendre compte périodiquement. Il se produit en Afrique un « contrat de dupes » où les dirigeants s’affranchissent de tout contrôle pour travestir et parfois subvertir les institutions républicaines. Les errements de gouvernance entraînent des dérèglements institutionnels et politiques, avec pour conséquence prévisible la rupture de l’ordre constitutionnel par un coup de force militaire. Depuis 1950, on a enregistré environ 87 coups d’Etat en Afrique. Il y’a donc lieu de comprendre et d’intégrer que l’Etat est une institution, une entité distincte et dépassant la personne du dirigeant appelé à la conduire, temporairement.

On ne constitue pas une force en additionnant des faiblesses. Tel est le cas des Etats ouest-africains, empêtrés dans des difficultés majeures liées notamment au caractère plus informel qu’institutionnel de la gestion publique.

Rappelons que la construction européenne a fait l’objet d’un processus rationnel, prenant appui sur un socle juridique et institutionnel solide, arrimé à une culture politique de responsabilité et de redevabilité. Il y’a eu au départ un idéal commun porté par des ²Européens², constructeurs de solidarité tels que Jean Monnet, Robert Schuman, Alcide de Gasperi et Paul Henri Spaak. Leur foi, leur engagement et leur détermination, soutenus et poursuivis par d’autres ²Européens² ont permis à la Communauté Economique Européenne (CEE) d’alors de devenir progressivement à travers l’Union Européenne (UE), une réalité tangible, un acteur incontournable de la scène internationale avec un « numéro de téléphone » (Henry Kissinger) crédible.

Où sont les ²Ouest-Africains² de conviction aujourd’hui capable de s’inscrire dans une « mystique d’intégration » qui crée des liens entre les Etats et entre les populations pour la promotion de la paix, la sécurité, la stabilité et le développement ? Où sont-ils, ces hommes et ces femmes qui transcendent les frontières par leurs réflexions et leurs actions, pouvant mutualiser leurs efforts pour forger une conscience régionale commune de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit ?

11 février 2022

Pierre AYOUN N’DAH

Docteur en Droit Public

Expert en Management des organisations publiques

Spécialiste en Relations internationales et Organisations régionales africaines.

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