INTERROGATIONS IVOIRIENNES: Peuple ivoirien, de quoi es-tu fait ?
Constamment dans l’émotion, l’euphorie, la superficialité, les préjugés ! Une amnésie collective fatale pour l’équilibre et la survie de la nation.
Dirigeants ivoiriens, quel idéal pour notre société ? Comment rassurer davantage les populations ? L’une des responsabilités majeures d’un État consiste à contribuer à l’élévation de la conscience nationale des citoyens. Par ailleurs, la responsabilité publique expose à la critique publique. Qu’il en soit ainsi, dans l’intérêt du pays ! Pourvu que les choses se disent dans l’objectivité, l’honnêteté, la courtoisie et le respect de la dignité humaine.
Opposition ivoirienne, une culture de » has been », facteur explicatif possible de l’indolence? Habitée par l’incohérence et l’inconséquence.
D’hier à aujourd’hui, tous ont gouverné. Il s’agit maintenant d’être dans la recherche de la raisonvérité qui libère par le discernement, l’élévation d’esprit et l’engagement, dans la foi et la sincérité des intentions.
Nous faisons comme si rien ne s’est passé
dans ce pays depuis au moins 1990, avec à chaque fois, des conséquences funestes pou l’ensemble de la nation. Nous sommes porté par l’égoïsme et même l’égocentrisme, consistant à croire que c’est nous qui avons raison, et que les autres ont tort. Or, I’ Avoir toujours raison est un grand tort » (Edgar FAURE).
Dans notre classe politique mal ou non préparée pour la gestion de la démocratie, tout le monde apparaît fautif, depuis très longtemps. Ce qui éloigne les citoyens de la politique, surtout les jeunes, désorientés et désespérés. C’est la faiblesse de l’État qui, après la mort du Président HOUPHOUËT, a ouvert la voie à toutes les turbulences et aventures voire les périls, les institutions n’ayant pas répondu avec efficacité aux nécessités nationales vitales.
Le pays se trouve dans une sorte de quadrature du cercle au niveau des politiciens. Il serait certainement salutaire que les autorités traditionnelles et les guides religieux, ainsi que les membres de I’ASCAD (Académie des Arts, des Sciences, de la Culture et des Diasporas Africaines), dépositaires de la sagesse et de la spiritualité dans la société, prennent leurs responsabilités en s’impliquant davantage dans la recherche de solutions servant l’intérêt supérieur de la nation.
Une leçon magistrale sur les institutions et la gestion politique nous est donnée par un grand homme d’État exceptionnel, le général De GAULLE, à travers le » Discours de Bayeux ‘I, 1 6 juin 1 946 (Extraits): << ….Le trouble dans l’État a pour conséquence inéluctable la désaffection des citoyens à l’égard des institutions La rivalité entre les partis met toujours tout en question et suscite un cadre où s’estompent trop souvent les intérêts supérieurs du pays…. Il y a un fait marquant qui tient aux péripéties de l’Histoire, et aux ébranlements du présent mais dont il est indispensable à l’avenir du pays et de la démocratie que nos institutions tiennent compte et se gardent , afin de préserver le crédit des lois, la cohérence des gouvernements, l’efficacité des administrations, le prestige et l’autorité de l’État…..
Soyons lucides et assez forts pour nous donner et observer des règles de vie nationale qui tendent à nous rassembler, quand, sans relâche, nous sommes portés à nous diviser contre nous-mêmes Les pouvoirs publics ne valent, en fait et droit, que s’ils s’accordent avec les intérêts supérieurs du pays et reposent sur l’adhésion confiante des citoyens…..>>.
Le Discours de Bayeux est le fondement conceptuel et philosophique de la Constitution de la Cinquième République en France votée en 1 958, toujours en vigueur.
Seul un État institutionnalisé, soutenu par une société politique rationalisée et une administration professionnalisée (reflet de la diversité nationale), permettra assurément de faire entrer la Côte d’Ivoire dans la modernité politique, pour une paix durable. La citoyenneté, au-delà et au-dessus des appartenances ethniques, partisanes et religieuses, devra être notre nouvelle fraternité, pour l’union et la cohésion sociale. Elle est le socle et le ciment de la solidarité.
Rappelons utilement les propos du Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY à l’occasion de la rencontre avec les opposants , en 1 990, au moment du retour au multipartisme : << La paix pour tous; pas pour un homme, pas pour un parti ; pour tous les partis, pour tous les hommes. Si nous sommes honnêtes et si nous voulons servir la même cause, la cause de ce pays, pour relever les défis du sous-développement, le multipartisme ne pourrait que nous servir Le seul bien que je puisse vous laisser en partant du pouvoir, car il faut savoir partir, c’est ce climat de paix. De grâce, ne le troublez pas…. Que la politique ne vous divise pas; au contraire, que vous ayez les mêmes soucis de servir le pays, mais dans la paix, dans l’amitié et dans la fraternité réelle. Ne chantez pas le pays de la vraie fraternité et n’agissez pas contrairement à ce chant….>>.
En définitive, le multipartisme en principe garant de la démocratie, ne doit pas être perçu et considéré comme une expression de la division nationale, mais plutôt celle de la diversité nationale, dans l’union et la discipline.
15 novembre 2023
Pierre AYOUN N’DAH
Docteur en Droit public
Ancien professeur à l’ENA d’Abidjan