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L’ÉTAT, SYMBOLE D’UNITÉ

L’État a été inventé par les hommes, en tant qu’institution, au XVIe Siècle. Il  a pour mission de gérer une  société au-delà de groupements humains d’une certaine dimension, dans un ensemble juridiquement structuré et organisé,  disposant de la souveraineté et de la force publique. L’absence de l’État, ou simplement sa faiblesse, concourt à favoriser les conflits sociaux et plus gravement les affrontements sociopolitiques, avec un risque de désordre généralisé voire de destruction de la nation. Tel est le cas dans nombre de pays africain.

L’État est nécessaire pour que « l’homme n’ait pas à obéir à l’homme » (Georges Burdeau) mais à des institutions,   impersonnelles et promotrices de l’intérêt général ou du bien commun. Celles-ci sont, en quelque sorte, des instruments juridiques d’assujettissement mutuel, source de protection et de justice. Ainsi, l’État est symbole d’unité de la nation, en créant et constituant « un foyer commun où peuvent s’épanouir les différents individus et groupes, en fonction de leurs talents et mérites  » (J. Patrick Dobel).

Gérer un État, c’est faire face aux différences, pour  aboutir à un ensemble appelé à vivre en harmonie, une union dans l’ordre et la discipline, sans cependant vouloir effacer les identités. Le sentiment d’appartenance et de reconnaissance mutuelle naît de la citoyenneté, qui  se construit par l’impulsion de l’État et  l’engagement des populations. Il se consolide autour d’une éthique républicaine et de valeurs mobilisatrices comme le civisme, la solidarité, l’intérêt national, l’amour de la patrie, etc.

Sur l’ensemble du territoire national, les citoyens ont les mêmes droits et devoirs. Ainsi, par exemple en Côte d’Ivoire, des mécanismes juridiques devront être imaginés pour une représentation raisonnable dans les assemblées locales et régionales. En effet, il faut tenir compte de la diversité socioculturelle faite de quatre grands groupes ( AKAN, GOUR, KROU, MANDÉ), constitutifs d’une soixantaine d’ethnies.

Aussi, dans le cadre du processus de  décentralisation entamé en 1980, la politique de régionalisation semble constamment éloigner les groupes ethniques les uns des autres, par l’émiettement du territoire national. Par conséquent, l’apprentissage de la citoyenneté et de la solidarité pour l’unité dans de vastes cadres territoriaux apparaît opportun. La création de 8 (huit) régions administratives, avec une autonomie effective au lieu de 31 ( trente et une) actuellement à l’étroit, pourrait être suggérée.  Elle favoriserait la promotion d’un  » nouveau tempérament régional  » à travers une entité régionale nouvelle, espace géographique  englobant différents groupes ethniques. Cette configuration  faciliterait, par une allocation de ressources appropriée et une évaluation objective des activités, la mission d’impulsion et de coordination de l’État dans la promotion de la solidarité et de la cohésion des territoires. Ce qui conduirait à un aménagement du territoire dynamique pour un développement national harmonieux, facteur de paix.

L’État pouvoir central a la responsabilité d’assurer l’équilibre de la nation, par la construction de l’unité de la  diversité des peuples, en réalité un idéal. Cette vocation est efficacement assurée dans un environnement où la paix est établie par le droit, la justice et  l’équité. Elle sera encore plus réussie en étant soutenue par une communication publique assertive, persuasive, dans le respect de l’autre, surtout l’adversaire politique. En régime démocratique, le gouvernant d’aujourd’hui est l’opposant de demain et vice-versa. Les dirigeants passent, l’État demeure. L’humilité, la mesure et la tolérance devraient donc habiter chaque acteur politique. La société civile  doit aider l’État à la réalisation de ces missions, tout en gardant son indépendance d’esprit. Élever la conscience nationale des populations demeure le préalable de cette œuvre, comparable à une course de fond, exigeant courage, endurance et détermination.

Dans le contexte africain, les partis et groupements politiques sont enclins à créer les conditions de la division nationale, particulièrement à l’occasion des élections généralement marquées par la violence. Aussi l’État doit-il être gouverné avec sagesse et prudence. Arbitre et régulateur, il a surtout besoin d’être administré et géré avec professionnalisme, pour garantir sa neutralité et le principe d’égalité. Il n’est donc pas dans l’intérêt du service, encore moins celui de la nation, que des dirigeants d’organes de partis politiques exercent cumulativement des fonctions administratives ou de gestion,  impliquant prise de décision, au sein de l’appareil d’État. Ce point relève raisonnablement de l’éthique de la gouvernance, soutenue ou renforcée par la loi, dans un État de droit démocratique. La Fonction publique forme aux emplois de l’État.

L’État fournit des prestations de services relevant du service public, expression juridique de la solidarité nationale. Dans un pays, le service public représente le lieu de rencontre et le lien entre les citoyens, des hommes et des femmes en mouvement, au quotidien. Cette multitude reste marquée par la diversité des origines et des aspirations, pour tendre vers un but commun: l’édification de la nation. Elle se trouve ou entrera naturellement dans des relations de  vie civile, associative, professionnelle, culturelle, sportive, de commerce, d’affaires, etc.). De ce fait, l’État a le devoir de s’inscrire dans une gouvernance de rassemblement et d’inclusion en cherchant à  d’abord toucher les cœurs, pour gagner durablement les esprits et engager les forces vives à l’accomplissement de grandes réalisations matérielles et immatérielles. Lesquelles constituent le patrimoine national à  transmettre à travers les temps. Par ailleurs, une gestion judicieuse de l’éducation nationale peut faire de l’école un précieux outil de promotion de la citoyenneté et de l’unité.

Dans l’intérêt des populations, pour l’Afrique, il faudrait réinventer et adapter l’État aux  réalités du continent, tout en adhérant sincèrement à la tradition universelle des Droits de l’Homme. Il s’agira d’un État institutionnalisé et objectivé,  qui veille avec vigilance, fermeté, justice et  détermination sur l’unité de la nation, par l’intermédiaire d’institutions fortes et stables, porteuses d’une vision d’espérance humaine.

L’État est, en définitive, une personne morale de droit public dotée des prérogatives de puissance publique, pour promouvoir le développement et la paix  c’est-à-dire la promotion de la vie. Il doit ainsi être sublimé et respecté dans ses principes, ses règles d’organisation et de fonctionnement pour pouvoir maintenir, consolider progressivement, avec pédagogie, l’unité de la nation. Porteur de l’intérêt général, s’il est apte à l’assumer, l’État garantit efficacement la sécurité, la liberté et la dignité de tous, gouvernés et gouvernants.
              

Décembre 2022
  Pierre AYOUN N’DAH
  Docteur en Droit public
  Ancien professeur à l’ENA de Côte d’Ivoire 

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