Les étudiants ivoiriens boursiersCÔTE D'IVOIRE 

PRÉPARER LES JEUNES AUX RESPONSABILITÉS POLITIQUES EN CÔTE D’IVOIRE

En Côte d’Ivoire, les élections régionales et locales couplées se sont déroulées le 2 septembre 2023. Les sénatoriales ont suivi le 16 septembre, dans la précipitation. À l’observation, les résultats ont révélé un processus d’assèchement de la démocratie dans ce pays. En effet, le parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), présidé par le Président de la République, s’est taillé la part du lion dans la compétition.

Régionales, sur 31régions :

RHDP 26

PDCI-RDA 3

PDCI-RDA + PPA-CI 1 et

Indépendants 1

Municipales, sur 201 communes :

RHDP 123

PDCI-RDA 22

Indépendants 41

PPA-CI 2

PDCI-RDA +PPA-CI 10

FPI 2 et URD 1;

Sénatoriales, sur 64 sièges :

● RHDP 56

● PDCI-RDA 6 et

● sans étiquette 2.

Une autre caractéristique s’avère être l’appréciation sur la Commission électorale indépendante (CEI). L’autorité en charge de l’organisation des élections apparaît, pour le moins, sujette à caution, à tort ou à raison. Il n’y a pas de fumée sans feu, dit la sagesse populaire. Soyons vigilants et interrogeons l’histoire, relativement à l’année 1933, de douloureuse mémoire, dans un certain pays, avec des conséquences funestes, au-delà de l’impensable pour l’entendement humain !

2025, l’année de l’élection présidentielle, la plus problématique, n’est pas loin. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne peut que s’inscrire, raisonnablement, dans une double interrogation de doute et d’inquiétude. Sauf à être un adepte de la politique de l’autruche ! Mais il s’agit, sérieusement, de la sérénité dans l’État, de l’équilibre de la République, du destin de la nation, ainsi que de la tranquillité voire la vie des populations et de la conservation de leurs biens. Il est donc urgent de réfléchir et d’agir, en sagesse et responsabilité, dans l’intérêt de tous, pour aujourd’hui et surtout demain. Quel pays voulons-nous laisser aux jeunes générations, actuelles et à venir ?

C’est maintenant qu’il faut préparer les jeunes à l’exercice du pouvoir, par le biais des partis politiques, des associations, des organismes divers, mais aussi par l’école. Notre jeunesse est à la recherche de ses repères. Elle se fragilise et hypothèque gravement son avenir par la consommation excessive de la drogue, et pour les filles les grossesses précoces. Le système éducatif devrait pouvoir donner l’opportunité d’accéder à un discernement qui éloigne les jeunes de ces fléaux, sinon en atténue la proportion et les conséquences. L’école a le devoir de contribuer à forger l’éducation sociale, citoyenne et démocratique des élèves, parmi lesquels le pays choisira assurément ses dirigeants politiques demain.

Il faut les préparer déjà à devenir des humains parmi les humains, qui gouvernent des humains, dans le respect de la vie humaine, l’épanouissement humain et la dignité humaine.  Il faudrait surtout leur enseigner les vertus du leadership-serviteur, celui qui privilégie l’autorité plus que le pouvoir. Il se construit sur les relations humaines, l’amour du prochain, le service à la société, à la nation et le sacrifice si les circonstances l’exigent.

La crédibilité d’une nation dépend largement de la sagesse de ses dirigeants et du professionnalisme de ses forces de production intellectuelle, économique, sociale et culturelle. Véritablement, il faut pour la Côte d’Ivoire une société politique structurée et organisée, qui assure la promotion de l’esprit démocratique, forgé par la culture politique, elle-même acquise par la formation des dirigeants et l’éducation du peuple. La paix ne peut devenir une réalité tangible que par un engagement commun, sur les bases de la sincérité des intentions et de l’intégrité des actes.

Pour espérer mettre fin aux cycles de violence et de vengeance collective successifs, il faudrait envisager la  » création d’un ordre nouveau, un édifice institutionnel où les acteurs sont tenus d’être loyaux les uns envers les autres, comme envers leurs institutions communes, librement établies « . (J. Patrick Dobel). 

Dans ce contexte, une communication assertive, se nourrissant du respect des uns envers les autres, favorisera davantage la confiance et facilitera les contacts humains, pour l’aboutissement des discussions politiques. La société politique normale est caractérisée par l’adversité-partenariat, avec un destin commun, selon les vicissitudes de l’histoire.
Dans une certaine mesure, il y a peut-être une nécessité d’agir en commençant par l’exploration de l’âme ivoirienne.

Cette responsabilité incombe à nos chercheurs en sciences humaines et sociales. Ils auront mérité de la nation. La connaissance de soi précède la prise de conscience. Un peuple qui s’inscrit durablement dans l’émotion et la superficialité, ne peut que subir les aléas de l’histoire. Avec les jeunes aujourd’hui, il conviendrait de changer de logiciel, pour épouser l’air du temps et adapter le pays à la dynamique de la modernité politique. Le rêve est permis ! « Il n’y a de salut en aucun autre ! »,   proclame le livre Saint.

Enfin, pour mémoire et certainement l’avenir, voici ce que le Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY avait laissé comme ultime message, au neuvième Congrès du PDCI-RDA, le  1er octobre 1990, à  Yamoussoukro, dans son rapport de politique générale. Cette déclaration était relative à la gestion du multipartisme, restauré en avril 1990, après 30 (trente) ans de monopartisme, de parti unique :

« La vraie démocratie exige que la majorité qui sort des élections, gouverne en respectant les minorités et, dans bien des domaines touchant à l’intérêt national, collabore avec l’opposition……. La compétition entre les partis doit se faire dans un cadre fraternel…Dans un système à plusieurs partis, le Président de la République quel qu’il soit, doit apparaître comme le représentant de la nation entière et le responsable des grands arbitrages…… C’est donc la dernière fois que je préside notre Congrès ». Un testament politique majeur pour l’équilibre et le devenir serein de la Côte d’Ivoire. S’il est respecté et appliqué, de bonne foi !

21 septembre 2023

Pierre AYOUN N’DAH

Docteur en Droit public Ancien professeur à l’ENA d’Abidjan

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