Présidentielle au Kenya: face aux tensions, report du scrutin dans quatre comtés

Nouveau revirement au Kenya. Après l’élection de jeudi 26 octobre et les fortes perturbations, le scrutin dans 4 comtés de l’ouest du pays avaient été reportés à samedi. Finalement, la Commission électorale vient de reporter à nouveau ce vote sine die. Le président de l’IEBC dit avoir pris cette décision pour des raisons de sécurité.

C’est un Wafula Chebukati très inquiet pour la vie de ses agents qui a annoncé la nouvelle. Le président de la Commission électorale a reporté le vote sans même pouvoir donner de nouvelle date. Il a expliqué que des représentants de l’IEBC avaient été enlevés, torturés, leurs maisons cambriolées, pillées. « D’autres ont été chassés de chez eux et contraints de se réfugier dans des commissariats », a expliqué Wafula Chebukati qui a donc choisi la prudence après une nouvelle journée de tensions.

Certains de nos agents ont été enlevés et torturés. Parfois, leurs maisons ont été cambriolées et pillées. D’autres ont été chassés et violemment empêchés de porter plainte à la police. Enfin, certains ont dû se réfugier dans des commissariats. Dans plusieurs cas, des forces de sécurité supplémentaires ont été affectées à la protection de nos employés, sans pour autant empêcher les violences. En tant que Commission, notre travail est de fournir l’infrastructure nécessaire pour voter. Mais lorsqu’il s’agit de nos employés, quand leurs vies sont en danger, cela nous inquiète beaucoup. Nous avons donc décidé de reporter l’élection prévue demain à une autre date à déterminer.
Déclaration du président de la Commission électorale, Wafula Chebukati

Des échauffourées ont éclaté dans plusieurs villes de l’ouest du pays entre manifestants et forces de sécurité. Violences également à Nairobi dans le quartier de Kawangware. Preuve que la détermination des supporters de l’opposition n’est pas retombée et que si le scrutin avait été maintenu, les affrontements auraient été inévitables.

D’ailleurs, avant l’annonce du report, l’opposition avait pris soin de garder ses troupes mobilisées en diffusant un communiqué enflammé et en appelant à nouveau au boycott. Raïla Odinga avait de son côté pris un bain de foule surprise dans son fief de Kibera.

Le chef de file de l’opposition, Raila Odinga, s’adresse à ses partisans dans son fief de Kibera, à Nairobi, le 27 octobre 2017. © REUTERS/Stringe

Selon l’IEBC, plus de 3 500 bureaux n’ont toujours pas pu ouvrir, soit 9% du corps électoral. On se demande si le vote pourra s’y tenir un jour ou si la Commission électorale laissera tomber. Une décision qui minerait un peu plus le taux de participation et la légitimité d’un président Kenyatta certain d’être réélu. En face, Raila Odinga prouve encore une fois qu’il reste incontournable sur la scène politique kényane.

Ambiance à Kisumu, bastion de l’opposition

Des forces de l’ordre face à une barricade érigée sur la route par les partisans de la coalition Nasa, lors d’une manifestation contre la tenue de l’élection présidentielle à Kisumu, le 27 octobre 2017. © YASUYOSHI CHIBA / AFP

Vers 18h30, quand la nouvelle du report de l’élection est tombée, l’atmosphère a changé du tout au tout. Les jeunes en colère qui érigeaient des barricades pour empêcher une distribution du matériel électoral dans la nuit ont reposé leur pierres. Quelques minutes plus tard, on entendait des klaxons et des cris de joie dans la ville.

Tout est rapidement revenu au calme ce soir, selon un habitant de Kondele, le bidonville le plus touché par les violences. Même situation à Nyalenda, un autre quartier populaire. Selon un habitant, l’IEBC a pris une bonne décision, car, dit-il, on ne peut pas forcer les gens à voter. Un autre affirme que la Commission devrait annuler la totalité du scrutin « car cette élection va seulement exacerber les divisions dans le pays » dit-il, avant de soupirer « qu’ils viennent reprendre leurs urnes, et qu’ils rapatrient leur policiers, que nous puissions retourner à nos vies normales »…

Il semble que la Commission électorale n’ai pas eu le choix, face à la situation sécuritaire qui se déteriorait d’heure en heure dans l’ouest du pays. Les nombreux groupes de jeunes en colère terrorisaient les agents de l’IEBC et juraient d’empêcher la tenue du scrutin, faisant craindre de nouvelles violences ce samedi. Le gouverneur du comté, lui, n’est pas convaincu : « Ils ont repoussé, bien », dit Peter Anyang’ Nyong’o, tout en ajoutant : « Mais nous espérons que c’est pour toujours. Car sinon, la situation sera la même ».

 

rfi Afrique

 

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