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Afrique-France: Pour une France inspirante et une Afrique innovante

Georges Clémenceau et Charles de Gaulle, deux hommes d’État charismatiques et visionnaires, ont  permis à la France de retrouver la liberté, la paix, la dignité et de tenir son rang dans le concert des nations, à l’issue respectivement des deux guerres mondiales ( 1914-18 et 1939-45).

Par ailleurs, des personnalités de  caractère, de conviction et d’engagement, depuis le siècle dernier comme, principalement mais non exclusivement, Robert Schuman, Jacques Rueff, André Malreaux, Michel Debré, Alain Peyrefitte, Simone Veil, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Robert Badinter, Stéphane Hessel, Simon Nora, Jack Lang, Jacques Attali et Alain Minc, ont incarné, incarnent encore et certainement incarneront toujours le modèle français d’esprit de liberté, de courage et de créativité au service de la nation voire l’humanité.

De fait tout État, quel qu’il soit, connaît le prix de l’effort, voire du  sacrifice pour exister et vivre dans la dignité, le respect des autres, en vue de la protection, la sécurité et  l’épanouissement de ses populations. C’est une responsabilité majeure qui incombe aux gouvernants, lesquels doivent l’assumer avec foi, ténacité et discernement, parfois dans des circonstances tragiques (guerres, épidémies, pandémies, calamités naturelles, crises  diverses notamment sociopolitiques). 
Soixante-deux ans après les indépendances, qu’en est-il pour les États africains, surtout francophones ?

Des « relations incestueuses » entre la France et les pays du pré carré ou dits « du champ » interpellent. Elles pourraient être de nature à compromettre indéniablement l’avenir, si le présent n’est pas géré et assumé avec discernement, sagesse et gravité dans un monde en pleine mutation et de plus en plus incertain. Dans ce contexte la vision, la sagesse et le volontarisme des acteurs publics, de France et d’Afrique, deviennent des éléments incontournables dans la compréhension des enjeux globaux, la conception ou la définition et la mise en œuvre de stratégies mutuellement bénéfiques. Rien de solide ni de durable ne pourra s’obtenir sans la promotion ou le développement d’une capacité commune de conceptualisation, de planification, d’opérationnalisation et d’évaluation.

La France et l’Afrique, de par la géographie  et l’histoire, ont une communauté de destin. Elles doivent apprendre, dans le respect réciproque, à se connaître davantage pour pouvoir construire véritablement des relations symbiotiques, en faisant preuve de réalisme. Celles-ci s’inscriraient  dans une dynamique de partenariat sorti de la promiscuité, ouvert à d’autres acteurs, tout en restant vigilant pour chacun d’eux. La formation et la sélection des dirigeants  africains deviennent donc des  préoccupations réelles et légitimes .

Malheureusement, le pouvoir français  aujourd’hui, après un début encourageant, ne semble pas avoir suffisamment pris la pleine mesure des mutations en cours. La volonté  des nouveaux Africains de mieux comprendre le fonctionnement du monde, pour en saisir les nombreuses opportunités, est forte et déterminée. La mondialisation (même en voie d’éclatement) et surtout le développement prodigieux des technologies modernes de communication ont déjà entraîné un bouleversement profond des rapports entre les individus et entre les organisations dont les États. Ce changement de paradigmes est un signal à prendre au sérieux.

Le chemin de l’avenir est incertain pour tous les peuples. Et ceux qui s’en sortiront seront les entités capables de faire preuve d’audace, d’inventivité et de créativité. Cette orientation, naturellement, repose sur une  autonomie de pensée, tout en restant ouvert aux autres cultures et civilisations pour le partage des connaissances et des compétences.

L’Afrique est constamment  dans le mimétisme par le comportement de ses dirigeants et de ses élites qui ne croient même pas en leur propre système de gestion sociale et culturelle, en l’occurrence la santé et l’éducation ainsi que  le mode de vie. Pour eux, n’a de valeur que ce qui vient de l’occident. Il ne s’agit pas de recommander ou même de suggérer de vivre en autarcie ou de rejeter toute forme de relation, mais plutôt de s’inspirer des expériences d’ailleurs pour innover et améliorer la vie ici, en Afrique, à tous égards.

Les dirigeants africains francophones ne paraissent pas  parvenir à s’émanciper du  » tutorat » français, en raison certainement de l’impact profond de la politique d’assimilation et du pacte colonial, jadis.  Il apparaît difficile de procéder à un aggiornamento, une adaptation, une mise à jour, de part et d’autre, pour des responsabilités partagées. Mais le monde change perpétuellement. Et  cela peut susciter des mutations inattendues, des changements brutaux, si l’on ne dispose de mécanismes d’adaptation et de correction.

Pourquoi le Commonwealth ne fait-il pas l’objet de critiques virulentes, alors même que le souverain britannique est chef  d’État dans certains pays membres , parfois non des moindres? Les récentes adhésions de pays africains francophones (Gabon et Togo après le Rwanda), à cette organisation internationale anglophone sonnent l’alerte ! Est-elle perçue comme il faut, là où il faut ? Le partage de la langue française et de la culture francophone ne paraît plus être un obstacle à toute recherche de nouveaux horizons pour le  salut !

Comment faire éclore et se développer les intelligences et les esprits créateurs, pour espérer libérer les énergies productrices de sens, de valeurs et de richesses ? Telle est la préoccupation de tous les peuples, sur cette terre des hommes ! Il n’y a pas de progrès sans liberté de penser et d’entreprendre. Et  » ce qu’un peuple ne fait pas pour lui-même, ce n’est pas un autre qui le fera à sa place. » (Jean Dutourd). L’Afrique a besoin de personnalités de vision et de caractère, désireux d’entrer dans l’histoire en agissant positivement sur le destin des hommes.

La Françafrique, tant décriée, pourrait être  débarrassée des oripeaux du  » vieil  éclat  » (Sembène Ousmane), illusoire , pour devenir une opportunité réelle de co-développement au bénéfice de tous. Elle serait donc décomplexée pour créer les conditions de relations confiantes et prendre un pari sur l’avenir. Un partenariat nouveau pour des défis nouveaux reste toujours possible pour une France inspirante et rassurante, qui tient son rang dans le monde et une Afrique  innovante et exigeante,  aspirant à une construction structurante pour le développement durable.

Octobre 2022
                 Pierre AYOUN N’DAH
                 Docteur en Droit public 

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