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Côte d’Ivoire: Les Ebrié ne vont-ils pas disparaître un jour ?

Est-ce que les Ebriés ne vont pas disparaître un jour ? Cela fait maintenant plusieurs mois que nous enquêtons sur l’avenir des Ebriés, les propriétaires terriens de la capitale économique ivoirienne, Abidjan. La seule préoccupation qui nous est revenue, c’est de commencer par cette interrogation : « est-ce que les Ebriés ne vont pas disparaître un jour ? »

Le peuple ébrié de plus en plus restreint

Au départ, la surface lagunaire de la ville d’Abidjan était occupée par un petit sous-groupe akan qu’on appelle Atchan, Ebrié par déformation.

Qui sont ces Ebriés ? Pour ceux qui connaissent bien la Côte d’Ivoire, ce sont les propriétaires terriens de la commune d’Abidjan. Aujourd’hui, avec l’évolution du temps et des circonstances, ils sont comprimés par l’extension anarchique et galopante de la cité.

La modernisation de la ville et les constructions anarchiques qui s’opèrent dans la ville, les premiers habitants sont perdus et tendent à disparaître. On dit des hommes qu’ils ne travaillent pas, et passent tout leur temps à vendre leur propre terrain. Si tel est le cas, ils ont participé à leur propre destruction. Voyons, Agban, Adjamé, Attécoubé, Yopougon, Abobodoumé, Anokoua Kouté, pour ne citer que ces villages, ce sont quelques noms de leurs habitats qui sont avalés par l’extension de la ville.

Le plus édifiant, c’est les deux villages cumulés qui jouxtent la commune du Plateau: Adjamé et Attécoubé. Impossible d’y mettre les pieds, tellement qu’il y a un désordre impressionnant et à cause de la politique, les élus ferment les yeux et les immigrés, anarchiquement s’installent. Ce peuple qui aime fêter sa tradition, à peine ils peuvent se frayer des chemins pour s’exprimer. Entre le camp militaire du Plateau et le marché d’Adjamé, il y a un petit village qui risque d’être détruit à cause de la construction du 4ème pont; soit c’est la mairie ou les Ebrié eux-mêmes. Ils ont vendu ou loué tous les petits trous.

Des espaces restreints où pour peu, on y lave des voitures. Juste à côté, ce sont des mécaniciens qui obstruent le passage des voitures et bus, des réparateurs de motos et de vélos, des cybers café, des lieux d’impression de documents, de la fabrication des tricots, toutes les entrées des services publics luttent à peine pour se frayer des passages. On se pose la question, comment font-ils pour respirer dans cet espace avec cette pandémie à Coronavirus.

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Les immigrés qui rivalisent ces endroits, ont où aller passer leurs vacances, mais les Ebrié, où vont-ils quand ils veulent s’oxygéner ? Pour le moment le seul village qui tient sur ses jambes, c’est Locodjoro. Comme il est accidenté, le lotissement n’y arrive pas.

Ne va t-il pas disparaître ce gentil et hospitalier peuple akan ? Nous étions de passage pour nous rendre à la gare des bateaux bus, dans la commune d’Abobo-Doumé, le samedi 6 novembre 21 aux environs de 10h. La voie qui nous emmène est restreinte et nous tombons dans un bouchon. Tout doucement le taxi progresse et nous apercevons une colonne de femmes, hommes et enfants habillés en uniforme, sans doute des religieux progressant vers leur église. Et comme ils n’ont pas d’endroit où passer, ils ont restreint la chaussée et nous voilà dans le bouchon. Ils chantaient tout en faisant attention aux klaxons. Les pauvres, ils ne voient pas que si rien n’est fait, ils vont leur arracher cette cité à cause de la lagune pour des réalisations.

On les voyait lutter leur propre ville avec le nouveau temps, mais ils nous semblaient inconscients de vivre en direct leur propre fin.

Aussi, rappelons que c’est un peuple qui ne se mélange pas aux autres; ainsi donc, qu’elle serait leur vie et leur survie dans les années à venir ?

Il n’y a aucun espace dédié à leurs moments de jouissance, pas d’espaces verts, et l’air y manque cruellement.

La surpopulation de la ville d’Abidjan va faire disparaître ce beau peuple, dont les femmes ont inventé l’attiéké et dont elles en vivent. Ils n’ont plus de marge de négociation ou de manœuvre pour s’étendre ou se protéger, ils sont engloutis. Peut-être qu’ils vivront sur l’eau de la lagune comme ils savent tous nager.

Ce n’est qu’un constat qui est visible et dont il faut en parler dès maintenant, car les Ebrié sont en voie de disparition.

                                                              Joël ETTIEN

                Directeur de publication : businessactuality.com   

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