ÉLECTIONS IVOIRIENNES DE 2023 : DES CANDIDATS INDÉPENDANTS
Les élections régionales et municipales couplées du 2 septembre 2023, en Côte d’Ivoire, enregistrent le taux le plus élevé de candidatures indépendantes. Elles sont les prémices d’une nouvelle donne dans le jeu démocratique de ce pays. Une nouvelle Côte d’Ivoire va naître à partir d’une aspiration profonde à la liberté, la responsabilité et la dignité.
Cette Côte d’Ivoire qui vient, inexorablement, n’en déplaise à plus d’un, sera fraternelle et démocratique, avec un État institutionnalisé, dans le respect du droit et de l’éthique républicaine. Les candidats indépendants, en faisant fi des menaces de leurs partis respectifs, montrent clairement que des mutations sont en cours. Si légalement rien n’oblige les candidats aux diverses élections à être présentés par des partis, alors pourquoi tant d’agitations allant jusqu’aux intimidations et menaces ? Qui a peur de la réalité du terrain, de l’authenticité et de l’intégrité du choix des électeurs ?
Sur des sujets d’intérêt national majeur, des ministres de la République ont tendance à tenir constamment des propos qui n’honorent nullement la dignité de la fonction. Ils devront changer de logiciel pour espérer bénéficier du respect des citoyens et de la confiance de la nation. La seule certitude dans la vie c’est l’incertitude du lendemain. Sachons donc raison garder ! Les intellectuels dans la politique ivoirienne ou la trahison des clercs !
Le culte de la personnalité, qui va jusqu’à l’idolâtrie, s’avère incompatible avec l’esprit républicain. Ce phénomène pousse à la violence injustifiée, humainement inexplicable, contre-productive pour la vie nationale et la cohésion sociale. L’exercice de tout pouvoir s’inscrit dans la temporalité, la limite du temps.
La multiplication des candidatures indépendantes, même au sein du parti au pouvoir présidé par le Président de la République, constitue un signe annonciateur des temps nouveaux . Elle révèle sans doute la libération des esprits et la volonté d’émancipation. Les hommes et les femmes qui porteront avec courage cette transformation qualitative auront fait œuvre utile pour faire avancer la démocratie. Mais connaissant le commerce politique ivoirien, la plupart des indépendants qui seront élus se précipiteront pour offrir leur victoire à leurs partis respectifs. Ce qui en soi n’est ni une erreur, ni une faute. Ils auront ainsi démontré qu’ils sont dans la vérité, la raison et la loyauté.
Certes, les militants ont normalement le devoir de respecter la discipline du parti. Cependant, cela n’est compréhensible et acceptable que si les choix sont opérés et, plus généralement, les décisions prises sur la base de la justice et de l’équité.
Maintenant, les candidats indépendants, s’ils sont réellement porteurs d’une vision et d’un idéal de changement, devraient envisager une évolution de leur action politique. Ils pourraient comprendre l’opportunité de créer, avec d’autres bonnes volontés, un cadre formel transpartisan, pour mener des réflexions et actions en vue du renforcement de la démocratie, l’État de droit et la bonne gouvernance. La Côte d’lvoire, notre pays, peine à entrer dans la modernité politique. Cette situation démontre notre incapacité commune à construire véritablement une société de développement humain durable. La seule voie crédible vers le développement, c’est celle qui est construite avec des citoyens éduqués et un peuple responsable. La politique consiste à promouvoir l’intérêt général, le bien commun, à contribuer à l’épanouissement humain. Interrogeons-nous.
Comment nos parents, nos grands-parents, nos anciens, de toutes les origines, de l’intérieur et de l’extérieur, ont-ils vécu ensemble en harmonie pendant toutes ces décennies ? L’histoire nationale ne doit pas marcher à reculons, après ce que nous avons déjà vécu. Aussi, le meilleur service que les acteurs politiques peuvent rendre aux jeunes générations, c’est d’être pour elles des modèles, des transmetteurs de valeurs sociétales fortes et inspirantes. Ils ont l’impérieux devoir d’offrir à la jeunesse, cette frange importante de la population, un avenir serein et prévisible, pour une nation paisible, ingénieuse et optimiste.
Abidjan, 21 août 2023
Pierre AYOUN N’DAH
Docteur en Droit public
Ancien professeur à l’ENA d’Abidjan