Inde: Les réfugiés congolais dans l’impasse indienne

L’Inde est l’un des seuls et surtout le plus grand pays du monde à ne pas avoir signé la convention et le protocole sur la protection des réfugiés.

Cela veut dire que le Haut Commissariat aux réfugiés, qui est chargé de défendre ces derniers, n’a pas d’autorité légale dans ce pays asiatique. Et beaucoup, particulièrement les Africains, se retrouvent pris dans un enfer bureaucratique, à la merci de la police, quand ils viennent se réfugier en Inde.

Narcisse* a le regard désabusé de l’homme habitué à endurer les déceptions. Ses pas le mènent machinalement à travers les murs gris du tribunal de Dwarka, dans le sud-ouest de New Delhi, vers la salle où il doit se présenter pour une énième fois afin de répondre du délit de « défaut de visa ». Ce Congolais ne nie pas les faits. Il n’a qu’une explication à donner au juge : il a fui son pays pour échapper à la mort.

Tout a commencé en septembre 2012. L’insurrection du colonel Tshibangu menace dans la région du Kasaï, en République démocratique du Congo (RDC) et Narcisse, directeur d’école, se rend dans cette zone troublée. Il est alors arrêté par l’armée régulière avec quatre autres personnes et soupçonné de faire partie des rebelles. Ils sont tous torturés, puis les autres détenus sont abattus. « Quand mon tour est arrivé, j’ai commencé à pleurer dans la langue swahili, raconte Narcisse. Une des personnes qui se trouvait là a compris que, comme je parlais le swahili, j’étais peut-être son frère. Elle m’a donc aidé à m’enfuir. »

Narcisse entame alors une course pour sa survie. Empêché de se rendre dans sa maison, qui est saccagée et surveillée, le Congolais saisit une opportunité : il s’enfuit en Inde avec le passeport d’un concitoyen qui étudie dans ce pays asiatique. Arrivé à New Delhi, il se présente au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui lui accorde rapidement le statut de réfugié et lui remet une carte censée le protéger. Un secours bien théorique, car l’Inde n’a pas signé les traités internationaux relatifs au statut des réfugiés (la convention de 1951 et le protocole de 1967) et ne reconnaît donc pas cette exception humanitaire.

Narcisse en fait rapidement les frais : en avril 2015, après un contrôle de police, il est arrêté et envoyé en prison pendant près de deux mois pour défaut de visa. Aujourd’hui relâché sous caution grâce au soutien légal du HCR, il saura le 12 janvier s’il est renvoyé en détention.

Une terre d’asile qui ne dit pas son nom

L’Inde, située au carrefour de l’Asie du Sud, a accueilli des millions de réfugiés ces dernières décennies, tels que les Tibétains et les Tamouls du Sri Lanka, qui forment à eux seuls 200 000 déplacés aidés par le gouvernement indien. New Delhi respecte aussi le principe de non-refoulement des réfugiés, qui est à la base du droit international. Mais le pays a refusé d’intégrer les traités et de créer un statut uniforme pour toutes les personnes qui trouvent refuge sur son sol.

« Rien, dans la loi indienne, ne différencie un étranger ordinaire d’un réfugié, explique Fazal Abadi, l’avocat de Narcisse et spécialisé dans ce domaine. Mais certains éléments de la Constitution protègent leurs droits. Ainsi, les juges de première instance condamnent généralement les réfugiés, mais en appel, ces derniers sont relâchés sous caution. »

Cette zone grise laisse des milliers de réfugiés dans une impasse, car sans visa à long terme, ils ne peuvent pas travailler, avoir un compte en banque, ou voyager en dehors de l’Inde. Et ils attendent seulement d’être réinstallés par le HCR dans un autre pays qui leur offrirait un statut légal, ce qui n’arrive que dans des cas exceptionnels.

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