La science moderne contre les noirs?INVESTIGATION 

L’Afrique, le monde, l’humanité

De la traite négrière, « traite des Noirs », puis l’esclavage du XVème au XIXème siècle (1640 – 1863) à la colonisation de 1850 à 1960, l’Afrique a subi des influences étrangères profondes et traumatisantes ainsi que des transformations majeures de tous ordres. Son rapport à elle-même, son identité et son rapport aux autres peuples, à l’altérité furent fondamentalement modifiés, malheureusement pas en sa faveur.

Cette tendance continue de produire, hélas, consciemment ou inconsciemment, des conséquences regrettables encore aujourd’hui, plus de 60 (soixante) ans après les indépendances.

         Mais, avec lucidité et sécurité, reconnaissons que rares, au monde, sont les peuples qui n’ont pas été colonisés dans leur histoire. Des peuples colonisés ont surmonté le coup et se sont reconstruits pour reprendre leur place dans le concert des nations. Pourquoi l’Afrique n’arrive t’elle pas à se relever pour redorer son blason ! Elle a pourtant l’ardente obligation de le faire pour pouvoir espérer contribuer à l’équilibre du monde et au progrès de l’humanité.

Rapportons les propos d’une condisciple D.A.Liliane du Lycée moderne d’Abengourou, en Côte d’Ivoire : « Nous passons notre temps à accuser le Blanc :

  • d’être à la base de nos malheurs ;
  • de voler nos richesses, etc.

Et pourtant, nous avons bénéficié de bourses pour étudier dans les mêmes universités que les Européens et autres qui inventent, créent et font avancer le monde ».

         Pour son illustre part, le Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY premier président de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993, soutenait qu’il ne croyait pas en un quelconque transfert de technologies pour le développement d’un pays, mais plutôt en l’acquisition de connaissances et de compétences scientifiques et techniques par la formation des élites. En réalité, même cette formation acquise, comment est-elle valorisée ou réinvestie dans le pays d’origine ?

Le Président visionnaire a même créé de grandes écoles à vocation sous-régionale ou régionale africaine. Ainsi l’INPHB (Institut National Polytechnique Houphouët-Boigny) de Yamoussoukro était destiné à l’ensemble de l’Afrique de l’ouest francophone. Tout comme l’Université d’Abidjan dans les années 1960 et 1970. Quant à l’ENSEA (Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d’Economie Appliquée), elle accueille et forme des élèves issus de l’Afrique subsaharienne et de l’Océan indien. Que sont-ils devenus, tous ces instruments de solidarité et d’intégration régionale ?

L’Afrique est-elle condamnée à demeurer à la périphérie par la faute des dirigeants ? Observons que la plupart des dirigeants africains ont de moins en moins une connaissance de l’Etat, sa place, ses missions et son rôle. Leur appréhension intellectuelle et psychologique de l’Etat-institution-apparaît plus que problématique.

Des gouvernants, sans savoir ou pouvoir utiliser judicieusement les ressources humaines nationales à leur disposition, s’échinent à rechercher, à un coût excessif à l’extérieur, des solutions pas toujours adaptées.

         Et pourtant, que d’opportunités et de tentatives avortées ! Des réussites admirables ont été transformées en cauchemars pour des hommes et des femmes dévoués à la cause du développement africain. Il en va ainsi de la Compagnie multinationale AIR AFRIQUE, créée en 1961 et dissoute en 2002, sans justifications rationnelles. Les exemples sont légion : la PANA, le CAFRAD, l’OFPA, etc. illustrent également cette logique de « Tapisserie de Pénélope », un travail de construction – destruction… Le NEPAD, (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique) créé en 2011, et qui a déjà changé de nom en 2018, devenu Agence de Développement de l’UA, reste encore à la croisée des chemins.

         La force effective des nations réside dans l’autonomie collective qui permet de réaliser des économies d’échelle et de réduire les risques de conflit. En effet, la mise en commun des moyens et des efforts renforce la coopération, la solidarité et accroît la construction de la paix ainsi que le rapprochement entre les peuples. Cette évolution n’est possible que dans des aires culturelles marquées par la réalité de la réflexion, de la liberté d’expression et de l’esprit d’engagement.

         Des raisons socioculturelles et politiques n’ont, pour le moins, favorisé la libération des esprits et des énergies en Afrique. Or, la liberté est le moteur du progrès (Jacques ATTALI). C’est une question d’ordre anthropologique qu’il appartiendra aux sociologues de tenter d’expliquer et de résoudre si possible. La plupart des Etats ont pendant longtemps tourné le dos à cette discipline, majeure, qu’est la sociologie, jugée subversive par les régimes politiques.

         Dans cette dynamique, pour se retrouver, les Etats africains ont le devoir de s’inscrire dans un engagement inductif de valorisation de la documentation et des archives nationales. C’est un nouveau défi à relever, un préalable déterminant pour :

  • garder une trace du passé et disposer d’une mémoire ;
  • comprendre et gérer le présent ;
  • mieux préparer l’avenir, le tout dans un esprit de continuité.

Si l’Afrique demeure le continent de la gestion des détails voire parfois des futilités au sommet de l’Etat, au lieu de se consacrer à l’essentiel, c’est-à-dire, le niveau stratégique en laissant aux niveaux inférieurs le soin d’agir dans le structurel et l’opérationnel, les résultats ne peuvent qu’être en-deçà des attentes des citoyens.

« Allons z’enfants » du continent plus de créativité, d’imagination, d’audace, et tout irait mieux. Promouvoir par l’éducation, la formation et le travail une estime de soi et une confiance en soi en tant qu’entité humaine consciente, autonome, libre et responsable. L’individualité africaine (et non l’individualisme) a besoin de s’affirmer dans la réflexion et l’action en toute liberté et responsabilité, dans un environnement d’ouverture, d’équité, de transparence et de lutte contre l’impunité.

         L’Afrique a des atouts indiscutables pour s’assurer un avenir. Avec des élites bien formées et un environnement général psychologiquement libéré, (mais de qui ?), des partenariats constructifs pourront être engagés avec l’ensemble des acteurs internationaux pour des bénéfices mutuels. Le contexte international, de plus en plus multipolaire, semble aujourd’hui favorable pour s’organiser, prendre des initiatives et tenter d’agir en solidarité, dans une dynamique d’autonomie collective. L’Afrique peut, dans un avenir proche, contribuer à décomplexifier et à décomplexer ses relations dans le concert des nations. Elle pourrait même devenir un trait-d’union entre les continents, un facteur d’équilibre et de paix dans le monde en développant et en mettant sa sagesse au service de la diplomatie mondiale.

  Mai 2022.

  Pierre AYOUN N’DAH

  Docteur en Droit public

  Spécialiste en Relations

  Economiques Internationales

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