Le Prix Houphouët-Boigny : Konan Bédié et Dramane Ouattara, chantres de la Paix à l’UNESCO. Dans quel monde vivons-nous ? La comédie humaine n’a décidément pas de limites.
Le Prix Houphouët-Boigny et la ville de Yamoussoukro.
Au moment où la coalition Rhdp au pouvoir se déchire, où les clans la composant se livrent une guerre sans merci, pour chasser ou succéder à Dramane Ouattara, qui veut, dit-on un troisième mandat ; il est vrai que cette atmosphère glauque ne manque pas d’intérêt pour être dénudée.
Cependant arrêtons-nous sur le prix de la Paix Houphouët 2017 à Paris, avec son cortège de politiques ivoiriens en quête de lumière internationale. Ce prix se propose d’honorer des personnes vivantes, Institutions ou Organismes (…) ayant contribué (…) à la promotion, à la recherche, (…) de la Paix, dans le respect de la charte des Nations Unies et de l’acte constitutif de l’UNESCO.
Et pourtant, personne ne s’émeut de ce que Dramane Ouattara et Konan Bédié, qui n’ont posé aucun acte tangible, pour ramener la paix dans leur propre pays en crise, puissent être les chantres de la Paix à travers ce Prix Houphouët-Boigny. Plus la bêtise est grosse plus elle passe inaperçue. A moins qu’à force d’en voir tant et tant, les unes plus grosses que les autres, on se lasse d’y prêter attention. Ces deux politiques qui, avec le concours de Soro Kigbafori, ont introduit en grande partie la violence en Côte d’Ivoire et l’ont érigée en mode de gouvernance, auraient, d’eux-mêmes, renoncé à participer à de telles festivités. La décence, au regard de leur passif en matière de Paix, plaide dans ce sens.
Quelle utilité revêt ce prix, alors que la ville de son fondateur tombe en ruines ? La tentation est grande de partager la citation d’Antoine Barnave, reprise par Lamartine, « Que périsse la nation, pourvu que l’humanité triomphe », et de l’appiquer au cas de Yamoussoukro. « Que périsse le prix Houphouët, pourvu que Yamoussoukro soit sauvée ». La Côte d’Ivoire naguère havre de paix s’est muée en un Etat miné par les violences et crimes de tous ordres, par la volonté de ses prétendus hommes politiques dans leur conquête pour succéder à Houphouët.
Un rappel succinct des faits de guerre des uns et des autres, dans l’origine et l’apparition de cette violence s’impose.
Le règne de Bédié 1993 -1999. Et son exil en Europe.
Dramane Ouattara et Konan Bédié ont répandu la violence dans leur pays pour la succession du président Houphouët. La lutte a été à féroce. Grâce à l’intervention du général Guéï, Bédié a écarté momentanément Dramane Ouattara. Mais malgré cette aide, le règne de Bédié a été pollué et déstabilisé, pour être finalement renversé en décembre 1999, par le biais du général Guéï, qui, au gré de ses intérêts, avait rejoint Dramane Ouattara, pour formenter ce coup d’Etat.
Bédié attaqué, au lieu de livrer bataille, défendre les institutions de la République, montrer sa force et affirmer son autorité de chef, a préféré s’exiler en Europe. Certains y ont vu la fuite, la couardise et la lâcheté de l’homme Bédié, alors que d’autres, ont prétendu, qu’il avait ainsi évité un bain de sang au pays. On se console comme on peut pour dissimuler ses faiblesses et ses échecs.
Après la réussite de leur coup, Guéï a préféré garder le pouvoir, portant un coup de canif au contrat scellé avec son mandant Dramane.
L’éphémère période du général Guéï. 1999-2000. A malin, malin et demi !
Le général Guéï qui a succédé à Bédié par la violence, envisageait de débarrasser le pays de ses politicards véreux, de nettoyer la maison Ivoire, afin de la remettre propre au monde politique. Cette promesse destinée à faire accepter son coup d’Etat au peuple, n’a été suivie d’aucun effet, car Guéï a succombé à la fascination du pouvoir. Il s’est donc présenté aux élections présidentielles de 2000, excluant les candidatures de ses rivaux potentiels, supposés dangereux, Bédié, Dramane etc. A malin, malin et demi. Il n’a autorisé que celle de Koudou Gbagbo, estimée insignifiante. L’histoire lui a donné tort.
Battu, Guéï a refusé de rendre le pouvoir au vainqueur. Pour l’empêcher de s’éterniser sur le fauteuil duquel les urnes venaient de l’évincer, les populations ivoiriennes, comme un seul homme, se sont levées spontanément et sans armes, ni force étrangère, pour le contraindre à partir.
Dramane Ouattara crée son charnier de Timisoara à Yopougon.
Après le départ de Guéï, Dramane Ouattara a voulu faire croire à la vacance du pouvoir. Il a donc jeté ses hommes dans la rue pour cueillir ce pouvoir, qui, de son point de vue, ne cherchait qu’à être ramassé. Tout comme il l’avait imaginé en 1993 au décès du Président Houphouët. Mais en 2000, il a décidé d’user d’un sordide subterfuge pour discréditer l’avènement du nouvel élu Gbagbo. Créer la violence dans les rues d’abord, pour empêcher Gbagbo d’accéder au pouvoir, ensuite et parallèlement, retourner l’opinion internationale, en accusant l’impétrant d’avoir fait massacrer des citoyens innocents.
Afin d’étayer leurs accusations, Dramane et les siens ont créé leur Timisoara, baptisé « charnier de Yopougon » avec des cadavres dont les lieux de provenance demeurent à ce jour, indéterminés. D’ailleurs, alors qu’il a tous les leviers du pouvoir en sa possession, ce charnier ne constitue plus un évènement de premier ordre, et l’enquête sur son origine a été enterrée.
Depuis 1999, la Côte d’Ivoire se trouve dans un état de guerre fratricide permanente. Comment dans ces conditions, Messieurs Bédié et Dramane Ouattara peuvent-ils s’exhiber sur un théâtre où la Paix est mise à l’honneur, eux qui ont mis leur pays à feu et à sang ?
Pourquoi un prix Houphouët de la Paix ?
Ce prix pourrait avoir un sens, car l’homme de son vivant, a prôné et tenté de veiller sur l’unité de la Côte d’Ivoire. Quand il a usé de force, sans doute plus que de raison, selon certains, pour arrêter les velléités sécessionnistes de Kragba Gnagbé des Guébiés et Ehounou
Bilé des Sanwis, peut-être, croyait-il sincèrement en cette solution, pour bâtir et maintenir l’unité de la nation naissante ? Mais depuis son passage à l’orient éternel, il aurait été plus judicieux de confier ce prix à un organisme indépendant, sans l’intervention du politique ivoirien. Le prix aurait alors gardé son crédit initial et acquis une aura supplémentaire.
Mais, quel spectacle d’entendre à l’Unesco, Bédié et Dramane Ouattara, prononcer des discours dont la fausseté provoque un malaise auprès de tous ceux qui aspirent à une Paix véritable en Côte d’Ivoire. Ils cogèrent la déliquescence de leur pays. Le pays où les droits de l’homme sont bafoués. Où de nombreux crimes restent impunis. Où l’on dénombre plusieurs centaines de prisonniers politiques. Où une politique de rattrapage ethnique a droit de cité. Et où une justice aux ordres du pouvoir et des vainqueurs s’exerce en toute impunité.
Les héritiers d’Houphouët condamnent Yamoussoukro à la ruine et à l’oubli.
Les médias ivoiriens, notamment les sites Connectionivoirienne ; ivoirebusiness et civox rapportent souvent dans leurs colonnes, l’état de délabrement avancé des joyaux architecturaux de la ville de Yamoussoukro : le palais du congrès ; le lycée scientifique ; les fondements des lacs aux crocodiles, sans omettre l’abandon de l’érection du Sénat ; les voies publiques crevassées… Tous ces édifices délaissés s’écroulent.
Le président Gbagbo, l’opposant historique, certes, mais également historien, a compris et a rendu hommage au premier président du pays en donnant à Yamoussoukro, l’importance, conformément au projet d’Houphouët d’en faire la vraie capitale de la Côte d’Ivoire. Tandis que Dramane Ouattara a mis fin à ce Programme Spécial du Transfert de la Capitale à Yamoussoukro, -PSTCY-, par un décret de janvier 2012, anéantissant l’un des grands projets du président Houphouët. Une manière d’éteindre petit à petit la mémoire et l’œuvre d’Houphouët-Boigny, tout en donnant l’illusion de les faire rayonner à travers le monde par ce prix. « Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. » G. Orwell in 1984.
Bédié a négligé Yamoussoukro pour faire officieusement de Daoukro son village natal, la nouvelle capitale du pays. Dramane Ouattara l’a imité avec son fameux décret de janvier 2012, laissant Yamoussoukro en ruines. Cependant, en ce qui le concerne, on ne sait pas exactement au profit de quelle ville de Côte d’Ivoire. Censés perpétuer la philosophie d’Houphouët, ils se sont évertués à la faire disparaître, là où Gbagbo l’opposant a cherché à la mettre en lumière.
Houphouët revenez, vos deux héritiers putatifs, Bédié et Dramane, ont dilapidé en un temps record la dignité, la gloire, le prestige et l’unité que vous avez mis toute votre vie à bâtir. La Côte d’Ivoire en pâtit.
Les ivoiriens fuient la misère et meurent en mer.
Les jeunes ivoiriens fuient la misère créée par ce couple (Dramane et Bédié) en Eburnie. Pendant qu’à longueur de journée, les autorités Ivoiriennes bassinent la planète entière des taux de leur croissance exceptionnelle qui avoisineraient plus de 10% par an depuis 2012. Malgré cette embellie théorique clamée, force est de constater que de nombreux ivoiriens préfèrent fuir cette croissance chimérique qui ne crée aucun emploi, pour regagner l’Europe par des voies illégales, quitte à mourir dans la mer.
Selon le gouvernement ivoirien lui-même, la Côte d’Ivoire est devenue le 4ème pourvoyeur de migrants clandestins vers l’Italie, car de janvier à juin 2016 plus 4 970 ivoiriens ont débarqué à Lampedusa. Si on peut connaître à peu près, le nombre de ceux qui ont réussi à débarquer, à combien s’élèvent les disparus qui n’auront pas de sépulcre et dont les parents ne pourront jamais faire le deuil ?
Triste réalité, étouffée par des discours à la fois enflammés et lénifiants, sur la Paix, qui ridiculisent ceux qui les prononcent. Preuve que la Tartuferie demeure intemporelle.
Faut-il suspendre ou supprimer le prix Houphouët ?
En définitive, la présence de Bédié et Dramane lors de la remise de ce prix Houphouët de la Paix, participe d’un manque de dignité et d’honneur. Yamoussoukro ville symbole, bâtie par Houphouët, tombe en ruines, la Côte d’Ivoire est divisée. La paix n’y existe pas. La perspective qu’elle vienne semble hypothétique et très lointaine. Ces écueils mettent en cause la pérennité même de ce prix Houphouët-Boigny. Faut-il dès lors, le suspendre en attendant le retour d’une Paix véritable et durable en Côte d’Ivoire ou envisager sa suppression pure et simple ?
Enfin, « que périsse le prix de la Paix Houphouët, si Yamoussoukro, la ville de son fondateur, la capitale de la Côte d’Ivoire, qui tombe déjà en ruines, doit disparaître. » Entre la sauvegarde de Yamoussoukro ou celle du prix Houphouët, le choix ne devrait pas être
T. Briga