FICTIONS 

N’éteins pas la lumière.

La vie est une lumière. Le monde est sombre et les amitiés devraient être lumineuses, mais hélas, certains se permettent d’éteindre la lumière des autres. En effet, Jules est une bon conscient et travailleur malgré son âge si frêle et sa beauté captivante. Il ne passe pas inaperçu et les femmes le draguent. Un jour au cours d’une soirée organisée par sa société pour honorer ceux qui avaient très bien bossé durant l’année dont Jules en fait partie, il va faire une rencontre extraordinaire. Cette soirée était organisée dans un des grands hôtels de la capitale économique ivoirienne Abidjan, qui a un grand hall. 

Ce soir-là, ils n’étaient pas les seuls à meubler ce hall car d’autres manifestations s’y déroulaient. Tenue correcte exigée pour femmes comme hommes, c’étaient les consignes de la direction qui a invité le gouvernement, la presse, caméras, téléphones portables-caméras, appareils photos pavoisent dans les allées de ce grand hall et des belles hôtesses sont à la disposition des invités pour les conduire dans la salle où la cérémonie devrait se tenir. Dans le hall, une bonne musique fusait timidement comme pour adoucir les mœurs de ceux qui découvraient pour la première fois, ce joyau architectural qui donne une fière allure au tourisme ivoirien. À la devanture de cet hôtel, toutes sortes de voitures se garaient et les gens en descendaient, tous bien mis sur leur 31.

Jules et ses amis qui sont primés constituent la curiosité et attiraient des regards. Pour une grande compagnie d’assurance réputée, Jules qui vient d’arriver, il n’y a pas longtemps, est primé, ce jeune élégant garçon qui n’a d’yeux que pour son travail. Cette compagnie a en son sein plus de 1000 employés repartis dans divers compartiments. Jules est au service sinistres.

On s’approche allégrement de l’heure de la cérémonie et les retardaires sont obligés d’arriver en transpirant. L’air frais du hall, heureusement sèche sur leur visage, ce côté luisant surtout sur celui des jeunes dames qui ont pris le temps de se maquiller.

Ce soir-là, les odeurs des parfums rares enfumaient et accolaient les nez. Jules arrive en compagnie de sa sœur Elodie et de son jeune frère Lucien qui semblent un peu étourdis, on dirait que c’est la première fois qu’ils découvrent un tel endroit. Les hôtesses prennent soin de les convier dans la salle. A l’approche, la première hôtesse les confie à une autre qui prend soin de regarder lors cartes d’invitation et elle se retrouve en face du meilleur employé qui va être primé. Ça commence, les envies. Elle échange un peu avec lui et de par sa politesse, elle demande discrètement le contact de Jules qui lui prend son téléphone et écrit quelques chiffres. 

A l’affiche pour cette cérémonie est présidée par le premier ministre, tous les directeurs généraux des compagnies, courtiers, quelques membres du gouvernement et d’importants autres invités, la grande salle des rencontres internationales était bondée de beau monde. On annonce par la voix du maître de cérémonie, un animateur féru et rompu aux arcanes du micro que des artistes en vogue, seraient là pour donner de la voix musicale à cette distinction des cadres compétents et travailleurs et notre Jules est à la tête de ces valeureux récipiendaires.

Mais qui est Jules? Jules est le deuxième enfant d’une fratrie de six enfants dont deux filles. Il est l’avant-dernier de ces six enfants. Son père a perdu la vie dans un accident de voiture et ils ont tous été à la charge de leur maman, qui s’est dévouée à leur réussite. Jules est très poli, courtois et surtout humble. La mort de son père l’a tellement marqué qu’il a juré rendre sa mère fière et il a tenu sa parole depuis l’école primaire où il a toujours été major de sa promotion et major à l’université. Il a obtenu son baccalauréat à l’âge de 19 ans et il est la prunelle des yeux de sa mère. Jules a connu une enfance un peu particulière à cause d’une maladie qui a lutté longtemps sa vie et dont il a vaincue quand il a obtenu la bourse de l’état de son pays pour aller étudier à un Japon. Un soir, pendant l’hiver japonais, il avait piqué sa crise et les médecins de ce pays lui ont prodigué des grands soins qui ont fini par bouter hors d’état de nuire, Jules. Cette vilaine maladie a été la source de la croyance de sa mère qui était devenue, la seule pieuse est prieuse de sa paroisse. Jules est guéri et il a repris le sport d’entretien. Du haut de son 1m90, il ne passe pas inaperçu. Les lèvres roses, une dentition blanche, un petit sourire dans le coin de sa bouche pulpeuse que toutes les femmes rêvent de l’avoir dans leur bouche pour lui croquer ce bonbon glacé, il est élégant et mignon jeune homme, mais cela ne lui est jamais passé par la tête pour en faire un charme envoûtant, capricieux et provocateur. Jules est le père de la lecture car pour éviter de sortir, il se consacre à ses temps perdus à la découverte des livres et il en a lus, les livres. Bon orateur mais peu bavard, il est vraiment instruit et il en sait beaucoup de choses. Quand il prend un ordinateur, il peut le désosser et le remettre en ordre, sans compter l’informatique qui n’avait aucun secret pour lui. Il est riche en connaissances multidimensionnelles.

Ce sont ces efforts supras qui seront reconnus et récompensés en présence de toute la Côte d’Ivoire, puisque les médias conviés à cet effet rendront compte dans leurs différents supports. Il est 20h et annonce l’arrivée d’un premier ministre. Il rentre en saluant les invités et le modérateur n’a de cesse de le vanter dans leurs différents hauts parleurs. 

20h45, l’animateur fait appel au patron de Jules en sa qualité de directeur général de la compagnie, de se mettre devant le pupitre pour donner les raisons pour lesquelles, il a convié, tant d’invités dont le premier ministre. J’avoue qu’il avait de l’humour cet animateur. Ainsi, le patron de Jules fait son speech et à tour de rôle, jusqu’au premier ministre.

Maintenant, la soirée peut commencer et c’est le tour de passage des artistes dont les sublimes Roseline Layo, Josey qui soulèvent la foule par des titres connus. Pendant ce temps, le service traiteur n’a pas oublié de se mettre au service des invités, par des amuses bouches délicieuses. C’est ainsi qu’au beau milieu, on fait taire la musique et on passe par donner un aperçu du contenu du curriculum vitae des récipiendaires et arrivée sur Jules, il marque un arrêt.

Voici quelques éloges à l’endroit de Jules: « Monsieur le premier ministre, je voudrais m’attarder un peu sur le cas de notre employé major, Jules Kouakou. Il n’a que 26 ans et il a un passé universitaire convaincant et agréable à lire, mais je vous fais faire l’économie pour vous citer quelques pans de sa connaissance. En effet, M. Jules Kouakou au regard de son parcours scolaire et universitaire a toujours été major de toutes ses promotions et c’est au Japon qu’il va finir son parcours universitaire pour se lancer dans la vie active, à son retour au pays. J’avoue que ce ne sont pas les propositions qui ont manqué à notre jeune dynamique major de sa promotion. Mais il a mis au centre de toutes ces sollicitations l’amour pour son pays, à cause de sa mère, m’a-t-il dit.  Jules Kouakou n’a aucune difficulté devant n’importe quelle situation. Il est polyglotte et parle le japonais comme il parle français, mais parle peu sa langue maternelle et (la salle se met à rire). C’est au nombre de 10 employés tous reconnus cette année comme les vrais bosseurs qui ont valorisé notre compagnie. Je mets fin à la présentation professionnelle de mes collaborateurs primés et je vous prie, Excellence Monsieur le premier ministre de veiller vous lever pour remettre les prix à Jules Kouakou »

Un grand tonnerre d’ovations nourrit la salle et les femmes ouvrent grands les yeux pour mieux dévisager cet extraterrestre, ce surdoué, ce génie. Mais bien avant de lui remettre son prix, voici ce que le premier ministre va lui dire en retour: « mon cher fils, je vous appelle mon fils, parce que mon premier fils a 40 ans. Je ne manquerai de parler de vous au président de la république et solliciter un rendez-vous pour qu’il vous reçoive car il est friand des savoirs de votre rang et félicitations, en complément, la primature vous convie à venir prendre un autre prix d’une valeur de 20 millions, une villa de 70 millions et une voiture » On entend dans la salle, des applaudissements et des cris de joie.

Roseline Layo, comme d’habitude, se sert du micro et lui frédonne un acapela comme si, elle le connaissait bien avant et la cérémonie fut belle et émouvante.

A la fin de la soirée, les journalistes l’assaillent de toute part pour des interviews et voilà, Jules devenu célèbre national. Le lundi qui a suivi ce samedi, la photo de Jules fait la une de tous les journaux et sa famille est fière et surtout sa mère. Les télévisions ont parlé de la soirée en mettant en exergue les différents témoignages élogieux à l’égard de Jules. Dans le quartier, c’est sa mère qui attire la convoitise.

Effectivement, le premier ministre a tenu sa parole. Le président de la république a reçu Jules dont il s’est servi comme un levier de motivation pour la jeunesse et là encore, il lui a remis plus de 100 millions et 50 millions à sa maman qui se retrouvait en face du président de la république.

Jules a remis la villa à sa mère en suppliant ses sœurs de rester à ses côtés.

L’hôtesse qui lui avait demandé son contact va l’appeler quelques jours après et les deux se donnent un rendez-vous galant pour un dîner. La maman de Jules lui demande de se mettre en ménage car il est devenu grand. Quand il étudiait au Japon, il avait fait la connaissance d’une brillante étudiante japonaise qui l’a marqué et beaucoup marqué. Il lui arrive de penser de temps en temps à elle, mais sa mère l’a toujours suppliée de se mettre en ménage, certes mais pas à ce. Une blanche car elle a une peur bleue des femmes blanches ce qui fait mettre un frein à l’amour de sa japonaise.

Le soir du rendez-vous avec l’hôtesse, qui se nomme Véronique, les deux se sont bien mis, mais quand Jules y allait, ce n’est pas pour signer des autographes et encore moins donner son coeur à une femme d’une soirée à laquelle il a été primé. Il y allait juste pour échanger.

Les deux arrivent au même moment et se dirigent vers la table réservée à cet effet. Ils s’embrassent comme des civilisés et s’installent. Après avoir échangé, ils passent leurs commandes, avec un bon vin Bordelais et la jeune fille va lui ouvrir son cœur. Jules, j’ai maintenant 29 ans. J’ai vécu un amour décevant il y a 3 ans et depuis, je ne me suis plus ouverte à quelqu’un malgré les différentes dragues. Elle poursuit en ces termes: « de retour de la France où j’ai étudié le tourisme, j’ai préféré créer ma propre entreprise multiservices et c’est moi, qui ai déniché le contrat qui t’a mis en valeur et j’avoue que tu m’as fait un effet subliminal. »

Jules écoute sans mot dire, a vrai dire, dans son casier intime, il n’est porté pas sur le sexe et à force de se consacrer à ses études, c’est maintenant qu’il va croquer la vie à belle dent. Véronique est la seule et la première à lui tendre cette opportunité sentimentale et il se concentre pour ne pas être gauche. On n’a pas peur de son passé, mais on hante son passé, c’est le cas de la belle Véronique. Elle fait 1m78, élégante et charmante, mais elle vient de lui dire qu’elle connaît garçon ce qui le rend un peu jaloux. Il ne le fait pas savoir. Jules croit qu’il trouverait de nos jours des jeunes filles vierges, la société a évolué?

Il y a des choses qu’on ne doit jamais oublier, mais ces choses aussi constituent des livres de notre vie. Le savoir n’a rien avoir avec l’amour qui peut compliquer toute une vie. Le rêve d’un gamin, n’a rien avoir avec celui d’un adulte et la vie est une lumière qui darde ses rayons sur le quotidien. Le dîner se passe très bien, mais rien n’est allé vers un face à face libidineux, mais pour la première fois, Jules a mangé en amoureux et avec une femme qui a été déçue en amour.

Au service, les femmes n’arrêtent pas de lui envoyer des cadeaux, des petits messages époustouflants, mais le jeune est prudent car il ne veut pas d’une collègue comme amante, pour donner une autre image de lui dans la compagnie, celui qui a augmenté le chiffre d’affaires, car après la cérémonie de la distinction, les mois qui ont suivi, ont vu beaucoup de nouveaux clients à souscrire. Jules est donc la prunelle des yeux de son patron qui le fait souvent accompagner dans les grandes missions, tant localement qu’à l’étranger.

A cause de sa mère, il écrit rarement à sa japonaise, mais Véronique lui revient souvent à l’esprit et les deux s’appellent. Un samedi après-midi, les deux décident de se rendre à la plage à Assinie, une ville très réputée pour ses habitants de hauts niveaux sociaux. Arrivé sur place, il découvre le beau corps de Véro, des poils qui arborent son élégance de jambes et ses bras élancés, ses démarches onctueuses qui donnent l’allure d’un mannequin sur une estrade en train de déambuler l’élan de son tout corps pour arracher les flashs des appareils. Elle est belle, mais il se trouve que ce samedi, celui qui l’a déçue, il y a longtemps, est dans les parages qui l’a vue en premier.

La jeune serveuse du maquis est appelée par ce dernier qui lui dit de ne pas lui tendre l’addition et qu’il paye pour les deux.

Après avoir copieusement mangé, ils demandent l’addition et la serveuse leur dit qu’un monsieur a déjà payé. Mais qui, ça devrait être? Jules est inquiet. Les deux se regardent. Qui les connaît pour payer leur addition. Il est parti, dit la serveuse, mais il a pris soin de laisser sa carte de visite à madame et elle la lui tend. Elle lit et c’est son amoureux désastreux. Jules vient aux nouvelles et elle n’a plus de mots. Comment lui dire que c’est son ancien amant qui vient de payer leur addition, alors que ce n’est pas l’argent qui manquait à Jules qui se sent frustré.

Il la fait asseoir et lui raconte, un livre qu’il a lu quand il était au Japon dont le titre était: « N’éteins pas la lumière.»

Il semble déçu, mais en route dans la voiture fraîche, Véro n’arrive plus à regarder son récent Jules, dont elle espérait convaincre de se remettre ensemble. Il avait été promis de faire un tour chez la maman de Jules, mais au beau milieu, il lui décline cette faveur.

L’ancien ami de Véro vient d’éteindre une belle lumière qui devrait illuminer sa vie. Jules la dépose sans aucun bisou et fonce avec sa belle voiture dans la poussière de la rue où habite la charmante Véro. Elle a déchiré la carte de visite sous l’effet de la colère et donc, du coup, elle ne sait comment entrer en contact avec ce dernier qui vient de griller l’ampoule qui devrait éclairer sa vie. Jules est parti décourager et il doit revoir sa copie sentimentale. Lui qui voulait pour une fois présenter une fille à sa maman, ça a tourné au vinaigre.

Derrière la carte de visite du type, il est mentionné : « et tu crois que c’en était fini? » Jules l’a lu. Dans le livre, n’éteins pas la lumière, il était question d’un amour fou qui a tourné au drame et il a juré ne jamais jouer ce rôle, ainsi donc, il ne compte plus revoir Véro. Et souvent, sa mère lui racontait les circonstances de la mort tragique de son père où il était avec une jeune dame qui s’en est sortie avec quelques blessures et en a conclu qu’il était mort dans les bras de sa maîtresse sans doute et toutes ces sommes de récits, ont laissé Jules prudent. Sa mère lui dit, mon fils, pour un seul sexe, je t’en supplie, il ne faudrait pas que mille se rendent à tes funérailles, je t’en supplie, enterres-moi et non le contraire, mon fils. Jules est un enfant qui a toujours écouté sa mère. Très souvent ses conseils reviennent comme des prières. Voilà, une des plaies qui rongent Jules.

Véro se retrouve seule dans son grand lit, les larmes inondant son beau visage, son ancien compagnon vient de mettre le sable dans sa nourriture. Et tu crois que c’en était fini, l’avertissement de son ex. Les deux se sont séparés, il y a plus de trois ans et comment s’est-il retrouvé là, au même moment pour lui gâcher la vie?

Entre Véro et son ex, qui a bien voulu éteindre la lumière sous Jules?

                           Joël ETTIEN 

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