ticket de la CANSPORTS 

CAN 2023: De l’absence de ticket au discours de haine

L’un des grands champs de l’étude des émotions en sciences du langage est celui de l’expression du pathos dans le discours, c’est-à-dire l’art pour un orateur ou une oratrice de toucher émotionnellement son auditoire, de provoquer la colère, l’indignation, la pitié d’un public, sans pour autant qu’il soit lui-même ému.

L’analyse de discours étudie le processus discursif par lequel l’émotion peut être mise en place, c’est-à-dire qu’elle traite l’émotion comme un effet visé ou supposé sans jamais avoir la garantie sur l’effet produit. Ainsi, cette réflexion sur le langage en contexte d’emploi à propos de l’absence notoirement reconnue des supporters dans les stades ivoiriens à la faveur de la Coupe d’Afrique des Nations sur l’esclandre des tickets, consiste à montrer comment les fléchissements sémantiques utilisés dans les discours raffuts d’internautes, cyberactivistes, supporters nationaux et étrangers et fanatiques de football constituent une stratégie pour convaincre, peuvent empoisonner les esprits en constituant un discours de haine.

Pour cause, la principale fonction du langage n’est pas d’exprimer la pensée ni de reproduire l’activité de l’esprit, mais au contraire de jouer un rôle pragmatique actif dans le comportement humain. Les mots participent à l’action et sont autant d’actions. Mon but est de défendre une conception actionnelle du langage envisagé comme pratique sociale.

Parti du constat de l’absence de supporters dans les stades en raison d’absence de tickets d’entrée, il nous a été donné d’apprécier à quel point les ivoiriens, même pourfendeurs de ce qu’ils qualifient d’irrationnel, aiment leur pays. En effet, chacun y est allé et y va suivant ses convictions.

De l’absence de ticket au discours de haine

La haine s’actualise et prend forme et force en discours. Le discours de haine a été défini par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe comme « couvrant toutes formes d’expression qui propagent, incitent à une action violente ». Dans ce cas d’étude, l’accent est mis sur la violence verbale dépendant du contexte.

Les différents orateurs ont recours à des actes de condamnation. Qui condamnent-ils ? La CAF, le COCAN ou la FIF ? A les entendre, en tant que pays organisateur, tous les phares sont braqués contre les autorités ivoiriennes (sportives, administratives et politiques). Des propos tels que « je suis atterré, les ivoiriens font honte à l’Afrique », « c’est incroyable qu’un individu ait des centaines de tickets », « on nous dit il n’y a plus de tickets », « les gradins sont vides », « les tickets sont revendus chers », « le chef de l’Etat a beaucoup investi pour qu’on lui serve la honte », « du simple au décuple » émanent des prises de parole propagent implicitement la haine par l’entremise du numérique qui permet une grande diffusion.

Ces internautes, ces supporters, sidérés de cette situation difficile à comprendre, se refugient en eux et laissent éclore leur hostilité et exécration à l’endroit des autorités ivoiriennes. Ces propos de personnes blessées, victimes d’actes jugés injustes, sont partagés par tous les Ivoiriens. Ces discours de haine puisent leur force dans les émotions négatives : la colère face au sentiment d’injustice, le retournement de la honte, le dégoût, le ressentiment et l’inquiétude. Ainsi, motivée par des formes de souffrance et d’émotions envahissantes, l’absence des tickets, quand elle n’est pas l’un des problèmes des tares de la société ivoirienne, est une réponse des nombreux défis de mauvaise gestion, mal gouvernance, cupidité, corruption auxquels doit faire face l’exécutif ivoirien.

En d’autres mots, c’est également une réponse transitoire à une maltraitance objective. Une forme d’amputation volontaire de soi. Telles que décrites, ces expressions, tenant compte de l’ordre

des mots, des mises en relief, des répétitions et du ton employé, font appel à une émotion d’indexation, de reniement et de rétraction.

Désamour ou amour

Quelles sont les situations auxquelles le cheminement et l’engrenage actuels des événements font penser ? Telle est la question qui guidera la suite dans cette séquence.

Il semble que de nombreux acteurs ont choisi la stratégie du pire et du pourrissement pour aboutir à leur fin qui est de, sur la base ticketstape.

Contre l’enflure des mots de rage et de haine créant un désamour, ne serait-il pas possible de penser que la fierté ivoirienne est ici convoquée ? Ce postulat pourrait sembler pertinent. La toile de fond de cette exténuation devant l’absence de tickets est en fait une réponse possible. La Côte d’Ivoire, 40 ans après 1984, organise à nouveau la CAN. De 8 équipes en 1984, nous en sommes à 24 en 2024. Du manque de communication en 1984 par manque de technologies modernes, nous connaissons aujourd’hui, en 2024, une médiatisation planétaire.

La Côte d’Ivoire est séduisante, attirante et rayonnante. Les pages sombres sont tournées. L’avenir promet. Cet avenir passe par le prestige. Reconnue par tous que l’organisation de la CAN 2024 est l’une des plus belles et réussies, la Côte d’Ivoire doit tenir offrir à tous points des résultats reflétant son statut. C’est ce que justement ont compris les ivoiriens, les internautes, les cyberactivistes et influenceurs. L’argumentation qu’ils proposent dans leur vitupération rend plus vivante la situation sociale où se montre la puissance des mots et du langage en société.

Le 1er capitaine des éléphants, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République, a exhorté ses concitoyens à la ferveur autour de notre CAN. Ayant bien compris son message, et pour marquer leur solidarité aux efforts du Président OUATTARA pour nous faire vivre une CAN exceptionnelle, les ivoiriens ne manquent pas de sonner du tocsin pour que des correctifs soient faits à l’effet d’améliorer, de corriger et de réussir notre CAN. Que ce soit l’état et la qualité des pelouses, l’état d’avancement des travaux des stades, les ivoiriens ont su être promptes dans le renseignement à l’endroit de qui de droit. La suite, on la connait.

Des réaménagements ont été faits allant dans le sens général. Cette fois-ci, les cordes vocales ont donné du volume, toujours dans une approche d’informer et de renseigner sur les manquements. Quand l’homme se plaint, il n’exige pas qu’on l’aide à ne pas chuter. Il réclame seulement d’être écouté. L’écoute est réparatrice. Marc Aurèle (26 avril 121 – 17 mars 180) empereur romain et philosophe stoïcien, nous enseigne ceci : « accoutume-toi à prêter sans distraction l’oreille aux paroles des autres et entre autant qu’il se peut dans la pensée de celui qui parle ».

Bien souvent on se rend coupable en négligeant d’agir, et non pas seulement en agissant. En espérant qu’il n’y aura pas 1 sans 2. Quelque chose qui est arrivée une fois peut se produire une deuxième fois. On sait les conséquences des stades et pelouses. On attend les conséquences du scandale des tickets.

Koné Bintou

Related posts

Leave a Comment