Sénégal: Macky Sall renonce à un troisième mandat, entame de la succession
Au lendemain du discours du président sénégalais Macky Sall, lundi 3 juillet, annonçant qu’il ne serait pas candidat à sa propre succession à la prochaine élection présidentielle, beaucoup de questions restent en suspens. Personne n’a été mis en avant par le camp présidentiel, et la coalition Benno Bokk Yaakar devra trouver un dauphin en moins de huit mois.
Pour beaucoup, le renoncement de Macky Sall à une nouvelle candidature est un soulagement : une annonce de candidature laissait craindre de nouvelles tensions. La décision du président Macky Sall vient apaiser – au moins pour le moment – un climat politique très crispé, après les violences meurtrières de début du mois de juin.
« J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole, a dit Macky Sall dans son message à la nation. J’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété : […] c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. » Le chef de l’État affirme donc que le débat sur un troisième mandat est né « de rumeurs ».
Mais il a tout de même envoyé, ces derniers mois, des signaux qui indiquaient le contraire. De plus, des proches, des cadres de son parti et des ministres ont défendu bec et ongles l’idée d’une nouvelle candidature : difficile d’imaginer que cela aurait eu lieu sans l’aval de la présidence.
Alors, qu’est-ce qui a pu faire pencher la balance ? La pression de la rue ? Des pétitions, des manifestations notamment de la plate-forme des forces vives F24 ? Ou bien les pressions internationales, les chancelleries n’étant pas favorables à un troisième mandat : l’image de Macky Sall et celle du Sénégal lui-même risquaient d’en pâtir.
On peut se demander aussi quel rôle et quelle influence ont eu les chefs religieux : Macky Sall est allé voir le khalife général de la confrérie des mourides il y a quelques semaines. Il est, dans tous les cas, difficile pour l’instant de savoir précisément.
Des rumeurs sur plusieurs personnalités et proches de Macky Sall
Cette annonce pose maintenant la question de la succession dans le camp présidentiel. Jusqu’ici, il n’y avait pas de débat : certains cadres du parti présidentiel, l’Alliance pour la République (APR), martelaient que Macky Sall serait leur candidat « A, B ou C ou X ».
Désormais, il va donc falloir choisir un dauphin et vite, alors que personne n’a été mis en avant jusqu’ici : la coalition au pouvoir a moins de huit mois pour préparer un plan B. Dans les médias et dans les conversations politiques, quelques noms circulent, notamment Amadou Ba : l’actuel chef du gouvernement, plusieurs fois ministre, a déjà représenté le chef de l’État lors de la prière de la Tabaski à la grande mosquée de Dakar la semaine dernière.
D’autres personnalités évoquées seraient notamment Abdoulaye Daouda Diallo – proche du président et président du Conseil économique, social et environnemental – ou encore l’actuel ministre de l’Agriculture, Aly Ngouille Ndiaye. Pour l’instant, « il n’y a pas de portrait-robot », affirme un cadre de l’APR, mais il y a un double enjeu : éviter une bataille de succession au parti présidentiel, mais aussi préserver l’unité de la coalition au pouvoir Benno Bok Yaakaar, qui regroupe notamment le Parti socialiste, l’Alliance des forces pour le progrès, et qui sont rassemblés aujourd’hui autour de Macky Sall. Il faudra donc trouver une personnalité consensuelle.
Toujours des incertitudes du côté de l’opposition
Du côté de l’opposition, l’incertitude concerne surtout le leader du Pastef, Ousmane Sonko, condamné à deux ans de prison ferme, mais toujours bloqué chez lui. Sera-t-il emmené en prison ? Quand ? Dimanche soir, l’opposant disait que s’il était arrêté, « l’arrêt de sa condamnation serait anéanti de plein droit ». En clair, il pourrait donc être rejugé, mais cela pourrait prendre du temps. En l’état actuel des choses, sa participation à l’élection semble donc très compromise, d’autant qu’il a également été condamné à six mois avec sursis pour diffamation.
Concernant Karim Wade et Khalifa Sall, l’horizon s’est éclairci, avec les conclusions du dialogue national qui permettraient au fils de l’ancien président et à l’ancien maire de Dakar de retrouver leurs droits civiques et politiques. Dans ce sens, le président Macky Sall a indiqué dans son discours notamment que l’Assemblée nationale serait saisie « cette semaine » pour « la modification de certaines dispositions de la Constitution et du Code électoral ».