FICTIONS 

Si je savais….

L’histoire que nous allons raconter est une histoire vraie sauf que les prénoms ont été modifiés pour sauvegarder des auteurs. Nicaise a été un puissant dictateur chef d’état africain et jamais, il n’a su qu’un jour, ses jours seraient comptés. Nicaise flambant neuf officier supérieur dans l’armée de son pays, ne jurait que par ses relations avec les puissants de ce monde comme le vieux N’Dja, le vieux blanc français, François. 

Nicaise avait pour ami inséparable, presqu’un frère, Joël pour qui, il avait juré devant les parents fidélité, loyauté, sécurité ce qui les a convaincus dans la sincérité de son serment, les parents de son ami Joël, lui ont ouvert leur coeur et leurs bras et comme en toute chose, il faut un leader, ils ont juré de faire de Joël, le leader du groupe.

Ils font éclater une révolution qui va prendre toute l’Afrique. L’éloquence et l’intelligence de Joël font de lui, en rien de temps, un symbole, une icône de lutte émancipatrice de toute l’Afrique Noire. Les voisins d’à côté, ne dorment plus d’entendre toute la jeunesse africaine jurer que par Joël. Dans leurs tenues militaires qui dégagent la fraîcheur de leur jeunesse, qui donnent l’impression d’une naïveté. Les médias du monde courent à leurs pieds pour solliciter des interviews, des documentaires et les jeunes de cette époque commencent à respirer de savoir que leur lutte sera menée à terme.

Devant les grandes tribunes, ONU, UA, quand il prend la parole, avec l’illustration de ses métaphores, Joël séduit et les autres qui n’ont rien avoir de crainte pour son accession au pouvoir, ont commencé à l’aduler, par des invitations. 

Chaque soir, les deux se retrouvent pour faire le point de la journée et pour Joël, personne d’autre ne pourra les évincer si, Nicaise ne donne pas sa participation et sur cet aspect, les choses se déroulent comme deux larrons en foire.

François demande à rendre une visite officielle à Joël, dans son pays. De par leur révolution, ils ont réussi à changer le nom historique de leur pays, pour l’appeler, le pays des Hommes intègres et là aussi, ils venaient de commettre la plus haute trahison vis à vis de ses voisins.

François arrive enfin et le dispositif pour son accueil est triomphant, impressionnant et ambiant. Depuis l’aéroport au palais, les rues sont bondées de monde et c’est la liesse populaire. Nicaise et Joël sont au premier plan, dans leur voiture décapotable aux côtés de François, c’était une nouvelle vraie page de leur histoire qui se tournait et les caméras du monde entier sont braquées sur ce pays des Hommes intègres.

La mayonnaise a pris et l’assurance donne la frénésie à cette jeunesse qui fait vibrer d’envie, de courtoisie, d’admiration. En politique, ce sont des choses qui se pardonnent rarement si on n’a pas tous les leviers des dernières décisions, surtout qu’il s’agit de la puissante France-Afrique, érigée en sacerdoce et en cardinal.

Les échanges deviennent houleux, pathétiques, émouvants de voir des jeunes africains noirs répondre du tic au tac à François, qui se croyait intouchable. Il se voit dans l’obligation d’entendre les paroles d’un jeune qui veut que les rapports changent. Ce que Joël avait dit, continue de faire son chemin et comme de la lumière, ses propos éclairent.

De retour chez lui à Paris, François et N’Dja se concertent et, ils vont prendre des décisions pour éliminer Joël qui dérange, mais comment y parvenir? Comment le dissocier de son meilleur ami Nicaise ? N’dja rentre dans le jeu et invite chez-lui, Nicaise. Joël est informé de cette invitation qui n’a rien avoir avec leur lutte. Pendant qu’il séjournait chez N’dja, le doute commençait à germer dans l’esprit de Joël.

Comment Nicaise, qui avait une petite amie de chez lui, revient de ce voyage et met fin brutalement à cette liaison ? Son comportement n’est plus au beau fixe et l’atmosphère devient suspicieuse et douteuse. Or, quand ces deux facteurs naissent dans une relation qu’elle soit maritale ou amicale, la liaison court à sa perte.

Un matin, encouragé par ses nouveaux amis, français et voisins, un coup d’état éclate et Joël est tué atrocement et on installe Manu militari, Nicaise au pouvoir. 

Nicaise devient le nouvel homme fort de ce pays à peine sorti d’un combat limité au souffle de celui qui avait péché par excès d’amour pour sa patrie.

Nicaise est le patron, l’homme fort et il va s’imbiber d’une féroce dictature pour s’imposer à la tête de ce jeune pays dont le sous-sol regorge d’immenses richesses qui peuvent nourrir l’Union européenne.

Il fait tuer. Il fait arracher tout de force. Il crée une milice pour contrer l’armée et au bout de quelques semaines, le peuple, sous la peur, se met à lui obéir. Il est aussi pris en otage par sa famille qui commet des exactions sanguinaires et il devient incontournable dans la sous-région. Partout, on ne fait que parler de lui et ses nouveaux amis déploient tous les médias pour sa promotion, Joël est mort, mais son esprit demeure sous ce pouvoir. La liberté de parole est bâillonnée. Les journalistes n’ont pas le droit de critiquer, d’exercer librement leur métier de peur de subir les courroux de la milice extra-militaire. 

Au fil du temps, il perd ses piliers. N’dja et François ne sont plus de ce monde et il sert de base arrière pour renverser des pouvoirs. Pendant ce temps, son peuple murmure et cherche un leader pour conduire la revanche des patriotes. Il fait voter des lois à sa mesure et une seule goutte d’eau va l’évacuer hors de son tabernacle. Le puissant Nicaise se retrouve hors de son marigot fétiche.

Petit à petit, il est rongé par le chagrin qui le tue à petit feu. On ne peut pas être heureux contraint hors de sa terre natale et la justice est à ses trousses.

Toutes les tentatives de son retour échouent et même ses proches sont pourchassés. Les nuits sont troublées par la présence de ceux qu’il a fait tuer, massacrer, parmi lesquels, Joël, son meilleur défunt ami, qui se présente à lui au point où aucun marabout ne peut lui permettre des sommeils sans cris, sans cauchemars.

Ses jours sont comptés et dans son lit douillet d’une clinique basée chez à la maison, il a maigri et il ne fait que subir la sentence divine.

Il veut se confesser, mais cette volonté manifeste ne peut pas se faire au grand jour tellement, il a fait commettre des crimes les plus odieux et son entourage le confine dans sa chambre et eux aussi, souhaitent rapidement sa mort, car son cas, les emprisonne.

Tout ce qu’il dit, si je savais, mais si je savais n’a pas de queue. C’est ainsi qu’il va sortir la fameuse maxime: « ne faites pas du mal à autrui car tout se paie sur cette terre des Hommes, me voici, en train de communiquer avec des revenants qui veulent que ma mort soit mise sur la place publique. Si je savais, mais c’est déjà trop tard.

Lui qui voulait absolument  mourir chez lui avec tous les honneurs militaires et civils, c’est son corps qui sera transporté dans sa capitale et peu le pleureront. Celui qui crache là-haut, doit s’attendre à recevoir des gouttes sur le nez, dit l’adage. En d’autres termes, tout se paie sur cette terre des Hommes en bien comme en mal.

Voilà, le puissant Nicaise qui souffre et voit ses proches dans la disette.  Ils l’accompagnent impuissants jusqu’ à sa dernière demeure. On ne peut pas vouloir gouverner les Hommes en sacrifiant certains pour asseoir son pouvoir, ce qui n’est qu’un temps, celui des Hommes et non celui de Dieu. La vie est sacrée, si on la comprend, elle devient un délice 

                                    Joël ETTEN

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