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Amicale des anciens des Lycées et Collèges : Un creuset de fraternité, de solidarité et de citoyenneté

En vue de la consolidation de la cohésion sociale et de l’unité nationale, comment construire l’espérance ivoirienne par l’union des cœurs et des esprits ? Telle parait se présenter la trame de l’interrogation de recherche- et non de doute- qui devrait aboutir à un mouvement d’édification nationale dans l’ouverture et pour l’unité ! Dans cet ordre, une structure négligée reprend tout son sens et son utilité : l’Amicale des anciens des lycées et collèges.

Le ministère de l’Education nationale gagnerait à prêter plus attention à cette forme d’association, à but non lucratif, pour un partenariat qui ne peut qu’être bénéfique pour la nation.

La matrice de l’amicale des anciens, des condisciples, c’est à n’en point douter l’école, les bancs de la classe, la cour de récréation, la vie associative et culturelle (clubs de lecture, de théâtre, de photo, orchestre), les manifestations sportives.

Le concept « AMICALE » renvoie naturellement à l’amitié, la fraternité et vise à tisser des liens de solidarité, de compagnonnage, d’entraide, des valeurs qui fondent le rapport à l’humain, aux autres dans un esprit d’ouverture, de coopération et d’épanouissement partagé, source de sécurité, de cohésion sociale et de paix.

Le président Félix Houphouët Boigny affirmait ne pas croire en un quelconque transfert de technologies pour le développement d’un pays. Il croyait plutôt en l’acquisition de connaissances et de compétences scientifiques et techniques par la formation de ses élites.

L’éducation-formation consiste donc en un investissement dans les intelligences, les capacités et les talents, pour créer une industrie du savoir, du savoir-faire et du savoir être.

Aussi, à la base, le premier Président de la Côte d’Ivoire comprit très tôt que le progrès de son pays ne pouvait aller qu’avec une bonne formation des cadres. Par conséquent, il fit de l’éducation la priorité des priorités de sa politique.

De ce fait, déjà en 1946, avant même l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, cent cinquante (150) jeunes et adolescents bénéficièrent-ils de bourses d’études en France, à travers ce qu’il a été convenu d’appeler « Les Compagnons de l’Aventure 46 ».

A partir de 1966, un programme de construction d’infrastructures scolaires a couvert le territoire national de collèges modernes dotés d’internat. Les élèves pouvaient donc être affectés raisonnablement dans n’importe quel collège, quels que soient leurs lieux d’origine.

En 1968, le tiers (1/3) des effectifs du Collège moderne d’Aboisso (Sud-Est), qui venait d’être ouvert, était constitué d’élèves issus des Inspections de l’enseignement primaire de Dimbokro et de Bongouanou (Centre). A l’époque, c’était perçu comme une véritable expédition. Le Collège moderne de Katiola (Nord), accueillait pour sa part des élèves du Centre et du Sud. Le Lycée Moderne d’Abengourou accueillait, surtout à partir du second cycle, les enfants de Bouna, Bondoukou, Tanda, Agnibilékrou, Abengourou, Aboisso, Bongouanou, Adzopé et Agboville.

La fréquentation commune d’un établissement scolaire crée des liens fraternels indestructibles, tissés sur les bancs. Un fort sentiment d’appartenance se forge et se développe, toujours ravivé, au-delà des régions, des religions, des promotions des générations et des évolutions socioprofessionnelles individuelles. Cette appartenance apporte une énergie vitale, sur la base des souvenirs d’un passé plus ou moins lointain, mais vivant et vibrant. Les condisciples cultivent la simplicité, la spontanéité et la convivialité des années de candeur, de verdeur et d’innocence, en un mot l’authenticité. Ils évoquent des souvenirs qui ne s’estompent pas et les aident à se renouveler, à maints égards.

L’école n’est-elle pas un lieu de brassage, de diversité socioculturelle en même temps que d’apprentissage, en principe, de l’égalité des chances et de la construction des espérances ? c’est le temps de l’adolescence et de la jeunesse, du devenir. L’uniforme (Kaki pour les garçons, Bleu blanc pour les filles) et la vie à l’internat (regroupement) traduisaient tout simplement mais profondément le temps de l’égalité, de la discipline, de l’ordre, de la sobriété et de l’humilité. Un collège ou un lycée c’était un « melting-pot » la Cote d’Ivoire en miniature. Ces enfants, ces jeunes, devenus des hommes et des femmes en activité dans la vie, avec des fortunes diverses, se retrouvent généralement pour consolider le présent et rendre l’avenir meilleur. L’objectif global est surtout de bâtir un cadre de fraternité, de solidarité et de citoyenneté. Dépassant les clivages ethniques, politiques, religieux, professionnels, sociaux et générationnels, l’amicale des anciens est porteuse d’une dynamique sociale et d’un renouvellement d’esprit de compagnonnage.

Il en est ainsi, par exemple, de l’Amicale des anciens du collège Lycée Moderne d’Aboisso (ACLMABO) portée sur les fonts baptismaux par Nindjin N’Dabian Agness Honoré (d’Aboisso sud), jadis président de la coopérative au collège. Se sont succédé à la présidence de l’Amicale Rigobert Yao Mé (Dimbokro-Centre), Alladé Gnui Constant (Ayamé – Sud), Mathurin Yao Saky (Gagnoa- Centre-Ouest), par ailleurs Président-fondateur de l’ONG 60 ethnies 1 ethnie et Adama FOFANA NOROSSOTIER (Mankono-Nord).

L’emblématique Secrétaire général, Michel Koua Anoblé a su construire la chaine harmonieuse des générations, avec une culture d’ouverture d’esprit au sein de l’ACLMABO.

L’Amicale a très rapidement élaboré un annuaire téléphonique, avec les professions des membres et les indications de localisation des services. Des journées-carrières ont été organisées à l’intention des élèves en cours de scolarité. Des visites du bureau aux anciens en poste à l’intérieur du pays ont été effectuées. Des formes d’assistances diverses (naissances, mariages, maladie, décès, etc.) ont été assurées. Des dons d’équipements informatiques ont été remis au lycée. La qualité de l’environnement et la sécurité des personnes et des biens font également partie des préoccupations. Une identification des besoins est menée avec les intéressés (Administration et élèves) eu vue d’apporter des réponses pertinentes et appropriées aux préoccupations et projet de développement de l’établissement. Diverses manifestations (excursion, conférence, Bal et divers, etc.) sont organisées pour entretenir la proximité, la convivialité et la pérennité.

Au-delà des bienfaits pour leurs membres les Amicales, en cultivant ce sentiment d’apparence, visent indirectement une finalité sublimée, un idéal commun, la réalisation de la nation ivoirienne. Il n’y a, en réalité, que des avantages à promouvoir une amicale des anciens de lycées et collèges. Nécessaires pour l’épanouissement des membres mais aussi et de plus en plus, les Amicales deviennent indispensables pour l’accompagnement des anciens établissements dans leur développement, face à la baisse des moyens d’intervention de l’Etat. Les collectivités qui devraient prendre le relais ne sont pas, à l’étape actuelle de la décentralisation, en mesure de le faire concrètement.

Une rationalisation de l’écosystème des amicales des lycées et collèges serait salutaire si l’on veut en faire des outils de renforcement des capacités et d’amélioration des performances de l’école ivoirienne.

Un modèle institutionnel pourrait être étudié et adopté pour mettre l’organisation, le fonctionnement et les misions en adéquation avec les objectifs de services à la nation.  Une faîtière des amicales est souhaitable, au niveau national, avec des démembrements régionaux dotés d’une large autonomie de fonctionnement et de gestion. Le financement de l’Etat est possible, en raison de l’utilité publique de ces structures, à l’instar des partis et groupements politiques.

Les Amicales des anciens ont vocation à fédérer les intelligences et les énergies pour le bien réel de la nation. L’une des premières initiatives devra être de réhabiliter la première école de Côte d’Ivoire, à Elima dans la région d’Aboisso (Sud-Est), pour en faire un lieu de souvenir, de culture, de tourisme et de vie.

La recherche du consensus devrait être adoptée comme mode de fonctionnement en privilégiant une dynamique participative globale, avec un mécanisme de rotation.

Moult problèmes pourraient être traités dans le cadre des activités des anciens pensionnaires des établissements scolaires. De façon insoupçonnée, l’avenir national se trouve là, dans la redynamisation, la consolidation et la pérennisation des Amicales de lycées et collèges. Ces organisations, associations apolitiques et laïques, sont de nature à contribuer à la construction de l’unité de la diversité nationale. Gérées avec discernement, elles peuvent conférer une âme à la nation, un corps au peuple et un esprit au pays. Il s’agit en définitive, de forger avec foi la détermination, dans le souvenir de rêves partagés d’adolescents et de jeunes, l’espérance nationale ivoirienne de fraternité, de solidarité et de citoyenneté pour la paix et la cohésion sociale.

Pierre AYOUN N’DAH

                                                                     Docteur en Droit Public

                                                                        Administrateur civil général

Expert en mangement des organisations publiques

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