Paul Kagame aux camerounaisA LA UNE AFRIQUE 

Cameroun: Lettre de Paul Kagame aux camerounais

Le président Paul Kagame a adressé une lettre aux camerounais, mais nous avons estimé que son message, est plutôt adressé à tous les africains. Un constat de prise de conscience et d’éveil. 

Appel à la prise de conscience

Voici le contenu de cette adresse historique que nous avons intitulé: « Le business de la haine »

Je me suis toujours demandé, en lisant les rapports de guerre communautaires sous d’autres cieux, comment des gens qui vivaient en bonne intelligence, en étaient arrivés à se massacrer comme des animaux. Comment les Bété et les Dioula en Côte d’Ivoire ou les tutsi et les Hutu chez moi au Rwanda avaient pu aller aussi loin. Comment des gens en arrivaient à tuer suite à un mot d’ordre de personnes qu’ils n’avaient jamais vues, avec qui ils n’avaient eu aucune relation, et dont l’unique chose qu’ils avaient en commun était la tribu…

En regardant la scène camerounaise, je crois que je commence à comprendre avant qu’elle ne prenne le chemin emprunté hier par mon peuple. Alors je t’écris aujourd’hui, jeune camerounais, pour te dire ce que tu sais peut-être déjà. La haine est un business, et aussi un formidable ascenseur pour les politiciens professionnels pour accéder aux privilèges qu’ils convoitent. Ce business repose sur un postulat simple : ‘’ Tu n’es pas ce que tu devrais être ou là où tu devrais être parce qu’un autre s’est mis entre toi et ton destin. Il faut donc l’éliminer ‘’. C’est ainsi que les entrepreneurs de la haine réussissent à embarquer les gens dans leur entreprise.

Le président Kagame avertit les camerounais

Alors toi qui me lis ce matin, et qui as déjà limé ta machette, prêt à en découdre, toi qui attends impatiemment le Jour J pour en finir avec ceux qui sont responsables de ta situation, et qui se trouvent tous être de l’autre ethnie, je vais te dire dès maintenant ce qui t’attend au pas de la porte.

Tu vas rencontrer de l’autre côté, d’autres jeunes, braves comme toi et encore plus vicieux, eux aussi nourris à la mamelle de la haine comme toi et ne reculant devant rien. Tu en tueras un grand nombre. Certes, mais tu perdras aussi un grand nombre de frères, de sœurs, de parents, d’amis, de connaissance, de relations… Ton avenir t’attendra sagement au coin d’une rue en terre, dans une tombe ou dans la brousse, quand tu tomberas dans une embuscade. Tu auras le visage défiguré, les marques de la guerre bien visible sur ton corps déchiqueté.

Tous les jours RFI se chargera de faire le décompte des morts. La ‘’ communauté internationale’’ attendra le seuil qui déclenchera l’indignation. Certaines mauvaises langues disent qu’il commence à 3000 morts.

Un matin, du fond de ton lit d’infortune, tu entendras dans le journal officiel : création de la commission de réconciliation. Et qui sera nommé à la tête de cette commission ? Le même type qui t’avait dit que c’est l’autre qui est responsable de ton malheur. Tu le verras, tout sourire, promettre au JT de 20h, œuvrer pour la réconciliation et t’appeler à pardonner. Tu seras là, au fond ton lit d’infortune, le regard noir, la jambe amputée, perdu dans tes pensées. Mais là dehors, la donne a changé. Tu ne peux plus massacrer impunément. Et même si tu le voulais encore, tu n’en as plus les moyens ni force.

Le regret à la porte des camerounais

C’est là que tu te rappelleras que, comme par magie, aucun de ceux qui t’ont mené là où tu es n’as été tué, ni eux, ni leurs familles. Peut-être bien que, pour te galvaniser, ils ont dû sacrifier un arrière-petit-fils du cousin de la tante de la sœur de la grande mère du président de la République…

Mon frère, sache que dans ce business, tu ne seras qu’un pion. Demande aux Dioula et Bété de Côte d’Ivoire, aux Hutu et Tutsi de chez moi qui sont obligés aujourd’hui de se tolérer, de vivre ensemble par les mêmes qui leur avaient dit que ce n’était plus possible. Pense à ces gens qui sont obligés de garder leur frustration en sourdine, la rancœur plein le cœur, et l’avenir en pointillés…

C’est ça que tu veux pour toi et ton pays ? C’est ce genre d’avenir que tu veux pour toi et tes enfants ?

Sache donc que dans une guerre civile, il n’y a que des perdants. Et que, quelle que soit la force de ton clan, à la fin, on vous imposera la réconciliation. 

Voilà, tu ne diras pas que je ne t’avais pas prévenu. En limant ta machette ce matin, relis bien mes paroles. Elles sont celles d’un type qui a vu ce qui s’est passé dans son pays.                         

                                                            Président Paul Kagame  

                                      Retranscrit par  David kouame

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